« Vous brûlerez tous en enfer! »
Du haut de sa chaire, la voix du curé résonne dans les alcôves de l’église. Au terme de son sermon apocalyptique, le prêtre met en garde son troupeau de fidèles contre les plaisirs de la chair avant le mariage.
À cette époque, l’Église entretenait un dialogue bien singulier avec ses fidèles. Comme on le sait, le dialogue demande, par définition, un entretien entre plusieurs personnes ou groupes. Soit. À mes yeux, toutefois, le dialogue peut prendre diverses formes. Le croyant dialogue avec son Dieu sans même être en sa présence. Il Lui parle comme s’Il était là, dans un échange de confiance. Notons aussi l’animateur de radio qui s’entretient avec son auditoire et qui évalue son rapport à la population grâce aux cotes d’écoute. L’orateur, quant à lui, devant son public massé par milliers devant lui, dialogue aussi avec ce dernier. Le mouvement de la foule, par ses murmures et ses cris, lui répond à la mesure de ses interventions. Le dialogue cache bien des facettes insoupçonnées pour s’afficher et s’affirmer.
L’évolution du dialogue social des Québécois s’inscrit dans l’émotion, le souvenir et le ressenti du moment. Qu’avons-nous retenu du dialogue des années passées? Qu’en attendons-nous aujourd’hui? Au-delà des mots et du message, le Québec a changé, s’est transformé au fil de ses besoins et de ses revendications. Avec son dialogue social, les Québécois ont appris à changer leur rapport de force avec les autorités religieuses, politiques ou économiques.
Revenons si vous le voulez bien à notre curé cité plus haut. La « Grande Noirceur » des années ’40 a laissé un goût bien amer dans nos souvenirs. L’avènement de Duplessis et le pouvoir de l’Église ont transmis un sentiment de soumission et de peur au peuple québécois.
À l’opposé, la « Révolution tranquille » des années ’60 a apporté un vent nouveau. Le dialogue entamé par le gouvernement de Jean Lesage a contribué à donner aux citoyens un espoir et la foi en ses capacités et moyens. Le fameux « Maîtres chez nous » a ouvert la porte à de nouvelles frontières. Le Québec amorçait une transformation de fond.
Avec René Lévesque, le dialogue prend un tournant majeur. Le dialogue social prend un élan de proximité et de complicité. Personnage charismatique, son approche a bouleversé les habitudes de l’époque. Son rapport avec ses électeurs a laissé un sentiment de fierté et d’appartenance à la nation. Nous sommes devenus tout à coup quelqu’un.
Puis, les années ’80 s’incrustent avec son Québec Inc. Soudainement, nous sommes devenus entrepreneurs et propriétaires. Nous avons le vent dans les voiles.
Au cours des dernières années toutefois, je vois le dialogue social régresser. Le climat change. Le scandale des commandites, la corruption, les commissions d’enquête, le régime de l’austérité et les mouvements d’indignation occupent l’avant-scène de l’actualité. Le doute et la méfiance sont de retour. Les Québécois n’ont plus confiance. Ils crient fort, comme ils ne l’ont jamais fait auparavant. Le mouvement des carrés rouges a démontré une société qui ne voulait plus se laisser abuser. Le Québec s’est levé debout. Le dialogue a changé.
Au final, la société québécoise se met en position de suspicion et remet en question ses valeurs profondes. Peut-on faire confiance à la classe politique, à nos élus? Pourquoi accepter les réfugiés syriens s’ils sont tous terroristes? Etc…
Aujourd’hui, si le même curé pouvait encore faire ce même sermon du haut de sa chaire, il ne pourrait certainement pas finir sa messe. Et c’est tant mieux. Ne laissons pas la peur nous envahir à nouveau. Il faut redéfinir le dialogue.
Vous ai-je dit que je ne croyais pas à l’Enfer ?
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