[NDLR: ce texte a été écrit par Bernard Vachon, professeur retraité de l’UQAM, spécialiste en aménagement et développement territorial et André Rocque, professeur de philosophie retraité du Collège Montmorency]
Le 27 janvier 2021, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, madame Andrée Laforest, annonçait le début d’une « grande conversation nationale en vue de l’élaboration d’une Stratégie d’urbanisme et d’aménagement des territoires ».
Quarante ans après l’adoption des lois régissant l’aménagement, l’urbanisme et la protection du territoire agricole, le temps est venu d’en moderniser le cadre politique et réglementaire.
De l’aménagement organique à l’aménagement volontariste
Du fait de leur seule présence en un lieu et des activités qu’elles y exercent, les collectivités humaines aménagent l’espace. Le processus est dit « organique ». Ce qui a longtemps été la pratique à travers l’histoire, et encore aujourd’hui chez de nombreuses sociétés, mais aussi là où un cadre formel laisse une large marge de liberté dans le processus d’édification des espaces de vie. L‘aménagement volontariste a pour but de pallier aux déficiences de l’aménagement organique en proposant des lois, des principes et des règles.
Pourquoi aménager le territoire?
Les schémas d’aménagement du territoire et les plans et règlements d’urbanisme sont nés du besoin d’ordonner le vivre-ensemble, prenant en compte diverses considérations : hygiène, mobilité, sécurité, facilités économiques, efficacité des infrastructures et équipements publics, protection et conservation de ressources et de patrimoines naturels et bâtis, harmonie et équilibre, etc.
Comme les sociétés évoluent sur les plans économique, démographique, social et technologique, les impacts territoriaux de la croissance se diversifient et se modifient tout en générant plus de pression sur les milieux de vie. Pensons à l’étalement urbain et à la diminution des terres agricoles, aux problèmes de congestion routière, aux effets du réchauffement climatique tels les îlots de chaleur et les inondations récurrentes, à l’artificialisation et à la compacité de l’habitat dans les villes, à la détérioration des milieux naturels, à la destruction des lieux et bâtiments patrimoniaux, etc.
Parallèlement aux effets négatifs associés à la croissance, de nouvelles demandes sociales émergent, donnant naissance à des tendances qui créent des rapports nouveaux entre l’activité humaine et les territoires. Dans la poursuite des grands objectifs du projet de société, l’État est appelé à ajuster, sinon réformer son cadre institutionnel en matière d’aménagement et d’urbanisme pour demeurer en phase avec les nouvelles réalités issues des évolutions.
Pour qui?
L’aménagement n’est pas une opération de rentabilisation des investissements publics et privés. Il est d’abord au service du bon fonctionnement d’une société pour le bien-être individuel et collectif.
Depuis les années 50 jusqu’à tout récemment, l’occupation du territoire a été marquée par l’hyperconcentration économique et démographique sur les pôles de Montréal et de Québec, principalement, et leurs extensions périurbaines. Beaucoup ont fui les régions et l’espace rural, vers les grands centres. Il s’en est suivi une fracture entre le Québec métropolitain (Montréal et Québec) et le reste du territoire. Cette fracture s’est traduite par des disparités économiques et sociales en termes d’emplois, de services publics (santé, éducation, transport, culture, etc.) et d’accès à l’égalité des chances pour tous quel que soit le lieu de vie. En régions intermédiaires et périphériques cette fracture a conduit nombre de villes et villages dans le cercle du déclin, de la dévitalisation et, ultimement, à l’extinction. Le souvenir du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec-BAEQ dans les années 60 qui recommandait la « fermeture » de 86 villages, soi-disant inaptes à entrer dans la modernité (plus d’une vingtaine ont été fermés malgré la résistance des « Opérations Dignité »), nous nous rappelle combien cette fracture a été sévèrement vécue dans certaines communautés.
L’aménagement du territoire se préoccupe de l’évolution de l’occupation des espaces habités et de l’état de développement des collectivités. Des constats sont faits, des diagnostics sont établis, une vision est projetée, des principes sont définis, des stratégies sont élaborées, des plans d’actions sont mis en œuvre. Au sommet de la pyramide d’intervention, un cadre législatif en matière d’aménagement et d’urbanisme est adopté.
Dans son exercice, l’aménagement du territoire est une activité partagée. Dans le cas du Québec, différentes instances interviennent : l’État, les communautés métropolitaines, les agglomérations urbaines, les MRC, les municipalités locales, chacune dans le cadre de ses compétences. Un échelon est absent, celui des régions. Les tables de concertation des préfets à l’échelle des régions administratives ont peu d’expertise et de ressources pour assumer les responsabilités d’aménagement, conjointement à celles de développement, à ce niveau.
Globalement, l’aménagement du territoire visera une répartition équilibrée de l’activité économique, de l’emploi et des services publics, dans le but de rapprocher les lieux de travail et de services des lieux de résidence. On combattra avec détermination les inégalités territoriales.
Une réponse
Aménager voudra dire à la fois orienter, stimuler, valoriser, encadrer et protéger. Dans cet esprit, la vision de développement pas bassin versant doit être au coeur des shéma d’aménagement.