Au secours ! L’immigration à la rescousse de nos régions

Les statistiques du Québec prévoient que la Côte-Nord est l’une des deux régions (avec celle de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine) dont la population va diminuer au cours des prochaines années. En fait, c’est déjà le cas. En 2015-2016, la Côte-Nord a vu son solde migratoire (entrants moins sortants) s’aggraver, avec -1 479 personnes. À cela s’ajoute le taux d’accroissement naturel, qui lui fait référence au rapport entre les naissances et les décès. Là aussi, le portrait n’est pas très encourageant; la MRC de Manicouagan a conclue l’année 2016 avec un solde net de -8 individus.

Donc, moins de monde = moins d’activité économique, moins de services… moins de poids politique. Moins de tout.

Cela fait près de 10 ans que je suis de retour dans ma région natale et je constate avec joie que l’économie se renouvelle grâce à des micro-projets communautaires et la diversification des PME. Mais un défi est demeuré entier tout ce temps : le manque de main d’œuvre qualifiée ne fait que s’accentuer, entraînant avec lui ses effets néfastes sur la productivité des entreprises. C’est bien un constat d’échec, que de voir les PME tout comme la grande entreprise changer de stratégie ou de domaine d’activités en raison du manque de personnel compétent. Je fais par exemple référence ici à des domaines d’étude qui pourtant, sont fort achalandés dans nos universités québécoises : comptables, ingénieurs, dentistes, gestionnaires, ainsi que certains métiers dont la région a cruellement besoin : mécaniciens de machinerie fixe, techniciens électriques, etc.

À cela s’ajoute un phénomène sociétal important : les québécoises et québécois cherchent de meilleures conditions de travail, sont de moins en moins enclins à travailler lors de quarts de nuit ou les fins de semaines et souhaitent maximiser le temps libre pour profiter de la compagnie de leurs proches ou réaliser leurs loisirs. Après tout, c’est effectivement ce pour quoi notre société a travaillé si fort, pour profiter de la vie.

Mais voilà. Dans les régions-ressources, les usines fonctionnent sur le 24/7 et malgré le tourisme, le bioalimentaire et le secteur tertiaire, c’est l’économie primaire qui fait encore vivre la grande majorité des ménages et qui contribue de façon de façon importante à l’économie du Québec.

 

Il faut nous renouveler!

Face au manque de main d’œuvre plus qu’inquiétant, l’immigration massive de nouveaux arrivants m’apparaît comme essentielle et urgente.

Les nouveaux arrivants sont scolarisés, créer de l’emploi et souhaitent reprendre leurs activités professionnels pour jouir, eux aussi, d’une qualité de vie pour eux et leurs enfants. Ils sont une force productive qui est sous-utilisée dans les grandes agglomérations urbaines. Les emplois dans le secteur primaire, bien que parfois difficiles, proposent des conditions salariales plus qu’intéressantes pour ces arrivants qui ont parfois laissé beaucoup derrière eux.

La formation de la main d’œuvre immigrante, la gestion de la diversité en entreprise, l’intégration des nouveaux arrivants à la collectivité via les réseaux formels et informels, voilà autant de défis qui doivent être relevés pour jouir du plein potentiel de ces personnes prêtes à nous rejoindre.

Dans sa Stratégie d’action en matière d’immigration, de participation et d’inclusion, le gouvernement du Québec identifie une action visant à favoriser l’immigration en région : « Favoriser l’installation des personnes immigrantes dans les régions du Québec ayant des manques de main-d’œuvre et qui sont mobilisées pour les accueillir, notamment en encourageant la mobilité interrégionale des personnes immigrantes engagées dans une recherche d’emploi et en faisant connaître et en valorisant le potentiel des régions dès le début de la démarche d’immigration ».

La stratégie ne prévoit toutefois pas la mise en place d’outils dédiés aux régions pour faciliter l’intégration (parce que la mesure va cibler prioritairement les régions « mobilisées pour les accueillir » – ce qui n’est pas notre cas). Elle n’inclut pas non plus d’orientations spécifiques aux régions-ressources, qui sont littéralement en train de mourir. Il faut donc aller plus loin.

Les initiatives doivent provenir autant de la base que du haut de l’échiquier politique. Par exemple, les MRC de la Côte-Nord auraient intérêt à se doter elles-mêmes d’une politique et d’une stratégie sur l’intégration des immigrants. Elles auraient avantage à mettre des moyens en place pour promouvoir leur territoire auprès des immigrants et faire connaître les opportunités en Côte-Nord, notamment sur le plan de l’emploi et de la qualité de vie. Elles devraient prévoir une stratégie de rayonnement, de recrutement et de rétention, comme cela a déjà été le cas par le passé (je fais référence à l’Entente 3R, coordonnée par la défunte Conférence régionale des élus).

Du côté gouvernemental, pourquoi ne pas réserver un budget dédié aux projets d’immigration et d’intégration en région? Il existe bien quelques leviers, mais quelques organismes composées d’une ou de deux personnes pour soutenir toute une stratégie d’immigration me semblent dérisoires. Il nous faut ajouter les moyens à nos ambitions.

Lors d’une conversation à ce sujet avec le maire de Baie-Comeau, ce dernier a identifié le Fonds d’aide au rayonnement des régions (FARR) comme levier financier pour ce type d’initiative. Ce serait un bon début, mais si on veut réellement structurer à long terme l’arriver, l’intégration et la rétention d’immigrants dans nos régions-ressources, on aura besoin de leviers récurrents et d’une vision à long terme soutenue par tous les secteurs de la société. C’est un travail de longue haleine auquel nous devons nous atteler dès maintenant.

Quel beau dossier pour les futurs élus municipaux ! En dépit du débat (inutile) sur les réfugiés syriens et haïtiens sur notre territoire, gardons la tête froide : l’immigration peut sauver l’avenir de nos régions.

 

 

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2 réponses

  1. Oui ce serait bien d’avoir un atelier d’échanges à ce sujet à partir de Montréal pour avoir le pouls des personnes immigrantes à propos de leurs perceptions des régions et celui des communautés volontaires pour l’accueil de ces memes familles dans leurs coins de pays.

  2. Intéressante réflexion. On peut d’ailleurs s’inspirer des dynamiques d’attraction et d’intégration d’immigrants à l’œuvre dans plusieurs petites communautés francophones hors Québec. Ici, les nouveaux arrivants sont aussi attendus comme des forces vives pour le renouvellement des communautés. Regardez qui pilote les instances communautaires en Ontario, au Yukon, au Nunavut, en Saskatchewan : vous y trouverez un arc-en-ciel d’origines. Bien sûr, l’attraction des ces nouveaux arrivants reste un défi important, mais encore plus leur acceptation par nos communautés et leur intégration. Dans mes mandats de recherche à travers le Canada, j’ai souvent croisé des professionnels ayant immigré au Québec pour vivre en français, mais qui ont finalement choisi de transiter vers des communautés hors Québec où les chances de s’intégrer leur étaient apparues plus prometteuses. Il serait intéressant de tirer des leçons de ces expériences.

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