Dans la même semaine, nous apprenons du Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) que la possibilité de limiter les dommages dus aux changements climatiques passe par l’arrêt de tout investissement dans la production d’énergies fossiles et leur retrait rapide dans un horizon de quelques années. Au même moment, le gouvernement du Canada autorise le forage des puits du projet Bay du Nord au large de Terre-Neuve pour produire du pétrole durant trente années. Quant au gouvernement du Québec, on considère que nous avons déjà réglé le problème puisque nous sommes l’État nord-américain qui produit le plus petit pourcentage de gaz à effet de serre. Manifestement, nos gouvernements n’ont pas compris le message que répètent les experts depuis 1972 (il y a maintenant cinquante ans!) et ils ne semblent pas davantage aujourd’hui entendre leur cri d’urgence. La maison est en feu et on propose d’y ajouter du combustible : peut-on y comprendre quelque chose?
Il semble bien que les lobbies des entreprises extractives – dans les énergies fossiles, mais aussi dans les minéraux et les forêts – soient plus convaincants que les appels de plus en plus pressants à l’action qu’ils viennent de la science ou de la rue. Il faut certainement ajouter que nous ne sommes pas collectivement prêts à choisir la décroissance programmée pour atteindre les cibles de réduction identifiées. Entre ces deux pressions à l’inertie, le choix politique facile c’est de sauver les apparences : le « verdissement » des investissements, le recours au vocabulaire « écologique » et des choix pleinement assumés d’en faire le moins possible. De cette façon, ni les puissants investisseurs ni les masses populaires ne sont choqués, on peut faire de la politique en paix. Se pourrait-il que nous approchions de la fin de telles compromissions? Nous arrivons à un moment où il est de plus en plus clair qu’il n’y a que deux fins possibles : l’asphyxie lente de la planète avec ce que cela va coûter en vies humaines et en crises économiques ou bien l’action déterminée pour inverser les tendances.
Selon le GIEC, il reste trois ans pour faire nos choix collectifs. Les commentaires critiques dans les médias se font plus percutants et les projets citoyens pour des modes de vie différents se multiplient : est-ce la forêt qui pousse sans bruit? Est-ce que les règles déjà établies pour la préservation des milieux naturels au Québec (et ailleurs dans le monde) seront appliquées ou bien continuera-t-on à donner la priorité à l’extraction des minéraux et à l’abattage des arbres sans égard aux écosystèmes? Est-ce que les cours de la bourse vont demeurer l’indice de la santé des économies ou bien est-ce que le développement de l’économie sociale et solidaire cessera d’être un choix marginal? Est-ce qu’on va continuer à mesurer la prospérité de nos villes par l’édification de nouveaux quartiers aux dépens des milieux naturels ou bien à leur capacité à offrir des services de proximité et des mesures d’inclusion? Est-ce que les choix économiques vont se faire aux dépens des communautés et sans égard aux besoins sociaux ou bien les politiques sociales seront-elles une dimension essentielle de nos choix collectifs?
Le pire, c’est que nous savons. Ceux qui prétendent le contraire sont seulement aveugles. Allons-nous nous laisser guider par des aveugles qui affirment qu’il vaut mieux investir dans le pétrole propre (sic) et dans les infrastructures destinées aux automobiles? Nous avons une responsabilité collective. Cela n’a rien changé lors des dernières élections canadiennes, est-ce qu’il en sera de même aux prochaines élections québécoises? S’il faut se fier aux discours des ministres caquistes et aux sondages, les pronostics de ce côté sont encore inquiétants.