En campagne électorale, il y a de ces enjeux dont on ne cesse de parler et ceux dont on ne parle jamais…
Au cours de la campagne, les candidats seront présents partout sur le territoire et feront des rencontres dans toutes les circonscriptions. Les citoyens leur parleront de leur quotidien, de leurs enjeux, de leurs valeurs et même de leur vision d’un Québec meilleur. Quand on demande aux gens quels défis ils vivent chez eux, ils ont quelque chose à dire. On habite tous quelque part et on a une connaissance intime de la réalité de notre territoire, parce qu’on la vit. Il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit ou d’une colonne de chiffres. C’est très concret!
Au-delà des listes d’épicerie, des bonbons et des artifices pour calmer l’opinion publique, on serait en droit de s’attendre à ce que les partis qui convoitent le pouvoir formulent des propositions cohérentes et porteuses pour le développement de l’ensemble de nos territoires et collectivités. Ils devraient même nous présenter, sans détour, leur vision et leur stratégie de développement.
Le problème, c’est que la stratégie globale, on n’en parle jamais… surtout pas en campagne. Pourtant, le développement du territoire québécois, ce n’est pas le fruit du hasard. Différentes visions coexistent dans les sphères politiques et dans l’appareil public. Elles logent quelque part entre le laisser-faire et l’interventionnisme, la centralisation et la décentralisation, le respect des particularités et le mur-à-mur, la compétition et l’équité entre les territoires.
À part ceux qui travaillent dans le domaine, je constate que cette question n’est que très rarement abordée dans l’espace public. Et pourtant, la plupart des gens ont une opinion sur le sujet, mais n’y ont jamais vraiment pensé. C’est peut-être trop compliqué, pas assez sexy, trop bureaucratique, difficile à dire! Je constate aussi que ça ne soulève pas les passions. Par contre, pour le devenir d’un pays ou d’une nation, c’est assez fondamental de s’intéresser à la question : « comment s’assurer que l’ensemble de nos concitoyens puissent vivre et s’épanouir dans la collectivité qu’ils ont choisie? »
Les enjeux sont grands, mais l’attention du public et des machines de campagne électorale est très limitée. Le poids démographique et la concentration des médias concourent à une couverture plus importante des enjeux urbains que de ceux des collectivités rurales, des municipalités dévitalisées, des régions ressources, des MRC péri-urbaines, etc.
Alors que tout le monde entend parler des projets de transports en commun à Québec et Montréal, peu nombreux sont ceux qui se soucient des défis du transport collectif au sein des MRC ou entre les MRC, dans la majorité des régions du Québec. On parle beaucoup du vieillissement de la population, mais rarement de ce que ça veut dire quand on habite loin des grands centres. On se représente souvent l’itinérance avec une image très urbaine, mais on s’imagine rarement comment ça se manifeste en milieu rural. Quand on parle de gentrification, on s’imagine des petites artères commerciales effervescentes au cœur de quartiers centraux et de transformations en condo qui évincent des locataires de longues dates qui ont peu de moyens. On ne pense que trop rarement à la réalité des vacanciers et des retraités qui font augmenter la valeur des propriétés dans des endroits de villégiature prisés et qui nuisent à l’accès à la propriété des plus jeunes générations, dans leur village natal.
Dans les dernières années, on a assisté à une déconstruction importante de notre modèle de développement des territoires, plusieurs leviers ont été perdus dans les régions et les municipalités, et ce, sans créer beaucoup de remous dans l’opinion publique. Pour qu’on cesse d’être indifférent, mais surtout méconnaissant de la réalité de nos concitoyens à l’extérieur des centres urbains, il faut en entendre parler davantage. Il faut être plus exigeant et demander des comptes.
Pas besoin d’être expert pour avoir une opinion sur le développement des territoires du Québec. On peut commencer par demander aux élus de nous exposer leur vision. On pourra ensuite voir si les propositions vont au-delà du discours économique et discerner si ce sont les intérêts des citoyens qui sont les mieux desservis ou ceux des grandes entreprises. La vigilance est constante, puisque dans la logique comptable (tsé celle qui nous gouverne), on roule depuis longtemps sur l’idée, voire la promesse sociale, qu’on doit créer de la richesse en premier et la redistribuer ensuite. Par contre, on n’est pas très loquace sur le « comment » et le « quand » on va la redistribuer. On parle de plus en plus des écarts de richesse qui se creusent entre les personnes, c’est aussi le cas entre les territoires et collectivités.
Je participe aujourd’hui au rassemblement «TOUS RURAUX» organisé par Solidarité rurale du Québec. Lors de l’événement, une proposition pour une ruralité renouvelée sera présentée aux Québécois. J’espère que ce mouvement percolera et qu’il réussira à inscrire la question du territoire à l’agenda collectif des prochaines élections.
Pendant la campagne, saisissons toutes les opportunités qui s’offrent à nous pour discuter de l’importance de donner à tous les territoires les moyens de se développer. Exigeons que les partis se dotent d’une vision ambitieuse du développement de l’ensemble des collectivités du Québec. Soyons solidaires de ceux et celles qui n’habitent pas dans les grands centres urbains et qui veulent s’épanouir et vivre dignement là où ils jugent qu’ils sont chez eux… chez Nous!
Une réponse
Excellent texte. Alors que la France s’apprête à inscrire la notion de territoire dans la constitution afin que cette dimension du développement économique et social soit prise en compte dans les politiques et actions de l’État, il est opportun que le Québec tienne aussi cette réflexion.