On nous a volé le printemps…

Hier, durant ma marche matinale, j’ai vu de mes yeux vu, les bernaches rebrousser chemin… Comme si nos terres ne pouvaient plus les accueillir.

Alors que devraient naître les bourgeons, sentir bon les premières odeurs printanières, voir quelques tulipes colorées poindre leur bout de pétale, nous sommes plongés en temps profond de grisaille.  Comme si on nous avait volé le printemps !

Nous sommes nombreux à le dire : l’écosystème du développement local et régional est heurté de plein fouet.  Les rêves et les élans collectifs se retrouvent du même coup freinés.

Nous vivons dans des systèmes évolutifs et complexes.

Et pour bien saisir le monde qui nous entoure, j’utilise souvent dans ma pratique de tous les jours, des modèles évocateurs et métaphoriques.  En ce sens, le modèle de l’Écocycle est tout désigné pour réfléchir à ce moment important de transition du développement des territoires.

Issu des travaux de C.S. (Buzz) Hollings, l’Écocyle nous invite à comparer les phases de nos transformations collectives à l’évolution naturelle d’une forêt.  Hollings est fasciné par ces forêts d’une centaine d’années qui, malgré les feux ravageurs, changements climatiques, infestation de parasites se tiennent toujours debout.  À travers ses recherches, il choisit de transposer cette observation dans notre monde social et politique et nous présente à sa façon, les quatre phases du cycle d’un système résilient et adaptatif :

1- Naissance et développement

2- Maturité et consolidation

3- Destruction créatrice

4- Émergence et renouveau

Sans étonnement, nous osons dire que nous sommes au Québec en pleine phase de destruction créatrice, ce moment où le désastre frappe la forêt d’arbres matures à grand coup de scie mécanique.

Transposée à la réalité que nous vivons sur notre territoire, cette phase est assimilée à l’effondrement de nos structures ou à un recul historique.  Un moment de confusion, apeurant et déstabilisant.

C’est aussi une étape sensible où nos organisations laissent tomber des processus et activités bien établis qui ne sont pas toujours productifs.  Une phase de réorganisation ouvrant la voie à de nouvelles possibilités.

Fébriles, durant cette période, nous lâchons du lest.  Nous abandonnons ce qui ne semble plus pertinent.  Nous concentrons nos ressources sur ce qui fait du sens pour le collectif.  En retirant certaines contraintes, nous devenons libres de créer du nouveau.

Il y a bien sûr un risque dans cette phase, celui de se sentir en crise perpétuelle.  La crainte légitime de laisser aller le passé peut nous immobiliser et nous empêcher de converger vers une nouvelle vision.

Heureusement surgit la prochaine phase : Émergence et exploration.

Dans la forêt, à même le sol brûlé par le feu, le terreau devient fertile.  Toutes sortes d’espèces poussent.  C’est un temps de croissance désordonné.  Le potentiel n’est pas réalisé ET les possibilités sont immenses.

Dans nos collectivités, c’est le temps de nouvelles idées, de partenariats audacieux, d’initiatives inspirantes.  Se mettent en branle des processus informels sur une période de temps limité, avec des partenaires inhabituels.  Nous instaurons des connexions et des conversations larges.  Nos réflexions migrent vers l’expérimentation.  Nous explorons au hasard et acceptons de mener des expériences qui produisent peu de résultats … pour une période.  Nous valorisons les essais-erreurs : c’est le moment de prototyper.  On cherche.  Ensemble.  On s’entoure de créateurs, de pionniers, d’idéateurs inclusifs et orientés vers le sens commun.  Et alors, surgissent des pistes nouvelles.  C’est l’heure de l’innovation.

Ce modèle de l’Écocycle me fascine, car il nous parle de notre nécessaire résilience, notre sens naturel de l’adaptation.  En ces temps de transition collective, il y a là un appel à reprendre notre élan collectif.  Nous sommes invités à l’innovation, à un partage des connaissances et expériences et à décider ensemble du chemin à prendre.  Pour y arriver, il nous faut adapter rapidement nos façons de faire, nous réinventer, et comme le suggère la chanson d’Alex Nevsky, se mettre tous ensemble à l’ouvrage et recolorier l’avenir.

«Il faut tout réinventer!
Il faut se réinventer!

Il faut se colorier!
Il faut se colo-ooo-rier!

Amplifions nos rires
Nourrissons l’espoir
Redevenons libres
Il suffit d’y croire»

France Brochu, mai 2015


Pour en savoir plus sur l’Écocyle:

  • Gunderson, Holling, Panarchy: Understanding transformations in human and natural systems
  • Westley, B.Zimmerman, M.Quinn Patton, Getting to maybe, How the World Is Changed, Vintage Canada, 2007

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