Municipalités et développement durable : Changer le monde à hauteur de collectivité — Première partie

Balade au Jardin

Samedi urbain de janvier. Besoin de beauté et de recueillement. Je suis allée voir les orchidées qui fleurissent dans les serres du Jardin Botanique, trompées par une chaleur moite imitant leur tropicale mère-forêt.  Au fil des serres, j’en ai profité pour m’égarer les yeux et l’âme dans l’extraordinaire biodiversité végétale.

Parlant de biodiversité. À l’instar de la carpe asiatique ou du poisson-lion, l’humain est un vorace prédateur qui fait le ménage là où il passe. Mes pas m’ont conduit jusqu’au Centre de la Biodiversité[1], où j’ai trouvé quelques exemples troublants de cette prédation.

J’ai médité sur cette affirmation de Hubert Reeves[2] : « L’intelligence humaine n‘a pas que du bon. Elle nous rend capable de modifier notre environnement, mais ne semble pas nous permettre de le faire de manière non-invasive et durable. »

Et senti l’appel de David Suzuki[3] : « Sortez dehors! Tombez amoureux de la nature! Prenez le goût d’en prendre soin! »

 

Tomber amoureux

J’amorce la lecture de L’invention de la natureLes aventures d’Alexander von Humboldt, écrit par Andea Wulf[4]. L’esprit d’aventure de ce naturaliste, géographe et explorateur du Siècle des Lumières l’a mené à la rencontre de la nature, dont il est irrémédiablement tombé amoureux.

Humboldt (1769-1859) a organisé des expéditions dans la forêt tropicale et escaladé des volcans. Il en a dégagé une compréhension écologique de l’interdépendance entre les êtres vivants et le non-vivant. Il a également été le premier à percevoir les effets nuisibles de l’activité humaine sur les écosystèmes et sur le climat.

Ça commence par là. J’en suis certaine. Par la prise de conscience de notre place dans cette grande magie du Vivant. Par un sentiment d’admiration et de responsabilité envers la nature.

Par leur gestes, les individus créent une masse critique qui engendre des mouvements à l’échelle des collectivités. Qui suscitent une sensibilité et une prise de position politiques. Qui changent les normes et les lois. Qui influencent les grands systèmes, notamment économiques. Qui influencent les citoyens, à leur tour, dans leurs modes de vie et de consommation.

La lutte contre la destruction de la biodiversité, contre les changements climatiques et contre la consommation morbide commence par une lutte citoyenne, à l’échelle des individus et des collectivités. C’est à nous, amoureux et amoureuses de la nature, qu’il incombe au premier chef de la protéger.

 

À hauteur de collectivité

Comme thème de mes prochains billets, j’ai eu envie d’explorer comment les collectivités peuvent favoriser un développement durable. Trouver des prises et, pourquoi pas, donner des idées. Les élections municipales ne sont pas loin derrière et les nouveaux élus ont quatre belles années devant eux pour faire une différence.

L’espace local est un espace « concret », où une personne tisse des liens et trouve réponse à ses besoins en termes de sécurité, de services, d’activités, de lieux, etc. La qualité de vie est donc fortement influencée par l’environnement immédiat. En étant aux premières loges pour encaisser les impacts des changements climatiques (innondations, incendies, ouragans, etc.), les collectivités locales sont aussi directement concernées par des choix faits à d’autres échelles.

Quels sont les leviers des municipalités? Comment peuvent-elles favoriser la transition énergétique et écologique? Comment les actions menées à l’échelle locale peuvent-elles influencer des changements plus larges, à l’échelle des états et du monde? Les municiplaités doivent-elles prendre un leadership, être à l’avant-garde?

Un exemple pour se mettre en appétit : la ville de New York. Son contexte est Américain, ses moyens sont énormes et l’issue est incertaine et pas pour demain, certes, mais il n’en démontre pas moins comment une collectivité peut prendre le taureau par les cornes ou pendre l’industrie par les c…

Le 10 janvier 2018, le maire de New York, Bill de Blasio, a annoncé qu’il poursuivait en justice cinq géants de l’industrie des énergies fossiles. Il les accuse d’être responsables des bouleversements climatiques qui entraînent des impacts pour la mégapole et d’avoir sciemment trompé le public pour protéger leurs intérêts[5]… À titre d’exemple, l’ouragan Sandy qui a frappé en 2012 aurait couté la petite somme de 40 milliards de dollars US à l’État de New York…

 

La révolution d’abord, après, le reste coulera de source (claire)

Déboulonnons le modèle. J’ai aimé cette entrevue avec Thierry Paquot, philosophe de l’urbain, trouvée sur le site Terra Éco[6] : La ville écologique n’est pas une utopie, c’est un combat !

Quand la journaliste demande à monsieur Paquot pourquoi il préfère l’idée de ville écologique à celle de la ville durable, il répond : « Pour rompre avec la ville productiviste, née dans le contexte de la révolution industrielle. Or, la question environnementale, le réchauffement climatique et l’approche du pic pétrolier nous obligent à sortir du productivisme, de la logique du toujours plus. Il faut penser au toujours mieux, à consommer moins et autrement. (…) Pourquoi les taxis et ambulanciers, dans leurs heures creuses, ne se transformeraient-ils pas en livreurs dans les villages par exemple? Pourquoi les bâtiments n’auraient-ils pas plusieurs usages, comme les facs qui accueilleraient des associations hors des périodes de cours? Un bâtiment peut avoir plusieurs fonctions. Pour penser la ville écologique, il faut innover, accepter des changements de pratique importants. Il nous faut nous ouvrir à toutes les surprises. »

Une ville « écologique » est donc une ville qui se réutilise elle-même pour maximiser l’usage de ses ressources. C’est intéressant. Un méchant virage pour l’esprit de clocher !

L’idée n’est pas tout à fait nouvelle et ni farfelue. Je me rappelle que durant ma maîtrise en études urbaines, on parlait du « concept des temps ». Pour l’essentiel, s’attarder aux temps (pluriels) dans la planification urbaine, c’est concevoir la ville en tenant compte des usages qui peuvent varier à différents moments de la journée et pour différents groupes d’individus. Maximiser les temps, c’est maximiser l’utilisation des ressources.

« Pour quand, la ville écologique? » demande la journaliste au philosophe.

« On en est au tout début, car aujourd’hui l’écologie est moins vue comme un art de vivre que comme une contrainte à laquelle on va devoir se plier  parce qu’une catastrophe arrive. À l’échelle des villes, on saupoudre les projets d’une couche de « durable » pour se prémunir d’attaques d’associations écologistes. Mais le thème ne traverse pas encore l’ensemble de la société. »

La révolution n’est pas tout à fait assumée, soit, mais elle grenouille. Au Canada, Vancouver n’attend pas. Dès son élection en 2009, le maire, Gregor Robertson, s’est donné comme mandat d’en faire la ville la plus verte du monde d’ici 2020. Même si l’objectif n’est pas encore atteint, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, Vacouver compte : 275 km de pistes cyclables, une flotte de bus électrifiés, des espaces pour l’agriculture urbaine, plus de 200 bornes électriques et 15 km de promenade le long de la baie et du Pacifique, etc.

Faut-il beaucoup de moyens pour être écologique ou pour le devenir? Il semble que ce soit avant tout une question de vision, de volonté et de leadership, notamment politique.

Dans un prochain billet, je me propose de fouiller quatre leviers à la portée des municipalités :

  • La planification urbaine;
  • La ville « intelligente »;
  • La protection de l’environnement et la nature en ville;
  • L’accent sur la qualité de vie et le pouvoir citoyen.

Nous en reparlerons en mars !

 

[1] Centre de la biodiversité du Jardin Botanique de Montréal.

[2] Dans la vidéo présentée à l’auditorium du Centre de la biodiversité. À noter que j’ai retranscrit son propos de mémoire. En tout respect de monsieur Reeves, il se peut que ce ne soit pas exactement les mots qu’il a employés.

[3] Dans la même vidéo et avec la même note quant à la fidélité des propos.

[4] Version française au Éditions noir sur blanc, 2017

[5] Selon l’article paru dans l’édition du journal Le Devoir du 11 janvier 2018, une analyse publiée en 2017 par le Environmental Research Letters confirme qu’Exonn Mobil savait depuis les années 80 que les changements climatiques étaient bien réels et causés par des activités humaines, notamment l’utilisation des énergies fossiles.

[6] www.terraeco.net

 

 

 

Commentaires partagés sur Facebook

ARTICLES CONNEXES