La crise sanitaire ! Un peu de perspective et de prospective…
Lorsque la malédiction virale a frappé au début de 2020, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a promptement sonné l’alarme… Une épidémie planétaire provoquée par le virus COVID-19 nous fonçait dessus. Potentiellement mortel, le coronavirus se propageait à une vitesse surprenante et inquiétante pour les états et nations de la communauté internationale mobilisés diversement, dans l’urgence ou sur pause extrême, dans l’organisation de la lutte. On connaît la suite éprouvante et frustrante, redoutablement meurtrière dans la plupart des pays et des nations.
La cinquième vague est-elle celle qui annonce le début de la fin ? Peut-être que oui ! Peut-être que non ! On l’ignore ! Pour l’heure, la trame mondiale demeure la même, alors que chaque pays et chaque nation a son histoire, ses réussites et ses échecs.
Une crise de société
Une chose est claire désormais. Mentalement et affectivement, nous ne sortirons pas indemnes de cette épreuve, une véritable crise sociale qui nous a rendus fragiles et désorientés. Voici venu le temps des vulnérables, que nous sommes tous devenus chacun à sa façon et selon sa situation. Le monde a basculé dans une crise de société, exacerbée par les contrecoups de la mondialisation de l’économie.
Plusieurs mesures préventives ont débordé la stricte intervention sanitaire par le confinement, le couvre-feu, la limitation à l’accès aux commerces et espaces publics, la livraison des services publics, les activités collectives et culturelles, les voyages outre-frontière, le télétravail, les services commerciaux, l’enseignement en ligne, etc. Elles ont perturbé et souventefois bloqué les libertés individuelle et citoyenne, l’espace communautaire et culturel, la vie démocratique, l’activité économique de base, la consommation, les règles de la vie en société, etc.
Conséquemment, l’état d’urgence, la gouvernance par décret et les mesures restrictives, quelquefois contradictoires, imposées par les gouvernements (québécois et canadien) au nom de la crise sanitaire, ont eu un impact profond sur la santé mentale et le moral de la population.
Le gouvernement, gestionnaire politique de la chose publique, a été soumis comme jamais à une forte pression de l’opinion publique, pression alimentée, entretenue et exploitée, pas toujours de bonne foi, par les partis d’opposition, la presse et les médias sociaux, par les innombrables groupes, entreprises et institutions ayant des intérêts économiques, idéologiques, sociologiques et sanitaires. Paradoxalement, alors que s’annonce une phase cruciale et délicate de transition qui pourrait, espérons-le, nous mener vers une décroissance de la crise sanitaire, les pressions se multiplient pour la tenue à court terme d’une commission d’enquête publique et indépendante sur la gestion de la pandémie. Et non sur une réforme dont l’urgence est pourtant évidente. L’année électorale s’annonce intense et impitoyable. Mais sera-t-elle productive dans le meilleur intérêt du Québec ? J’ai de sérieux doutes…
Posons la question sous un angle plus prospectif, en évitant le pelletage en avant, celui du « long terme ». L’urgence d’une réforme du système de santé pourrait-elle bonifier et favoriser ce rendez-vous forcé, ce « blind date » avec la crise sanitaire qui nous impose son rythme, nous presse vers le changement ? À court terme, une reconfiguration des priorités de la santé publique, avec un ministère dont la mission aurait été renouvelée, affichant davantage de cohésion et moins de chasses gardées, est-elle envisageable ? Les bouleversements d’une crise sanitaire mondiale qui perdure déboucheront-ils sur une nouvelle et tangible « normalité » postpandémique, dans un meilleur équilibre de la santé publique entre les pôles hospitalier et sanitaire ?
Répondre à ces questions n’est évidemment pas simple. Ici comme ailleurs, les conditions de la conjoncture mondiale sur la sortie de crise laissent croire qu’il y aura des gagnants, peu nombreux, mais avec de puissants moyens, et les autres diversement vulnérables, composant collectivement la communauté, mais dispersés, luttant avec de plus faibles moyens contre la fracture sociale.
La vague numérique
Est-ce un hasard ou est-ce un signe des temps ? Vague pandémique et vague numérique cohabitent et s’interpellent dans la recherche du bien collectif et de la lutte contre le mal social. En se propageant frénétiquement dans le monde, le virus pandémique incarne l’ennemi de ce paradis terrestre tant fantasmé et souvent cruellement décevant. Alors que les omniprésentes et pressantes technologies numériques nous entraînent dans un univers virtuel, lui aussi menacé par un virus liberticide, qui sait se cacher dans l’angle mort de l’intelligence artificielle.
Dans l’univers mondialisé et largement financé de l’IA, des technologies numériques, des réseaux d’information et des nouveaux supports médiatiques, la pandémie a constitué une opportunité unique d’accélérer et d’étendre l’implantation mondiale, déjà solidement en cours, de cet univers informatisé et globalisé devenu le nouvel eldorado du développement. Un développement mondialement ouvert à tous ? En principe oui. Mais en réalité ???
Dans les années 90, le gouvernement québécois s’était lancé dans l’aventure virtuelle de ce qu’on appelait l’autoroute de l’information. L’expérience s’est transformée en scénario fantasmé de plusieurs dizaines de millions de dollars. Est ensuite survenue la crise de croissance de l’industrie lors du passage à l’an 2000, alors que sont graduellement apparus ceux, largement Américains, qui deviendraient les leaders mondiaux, et dont les énormes entreprises dicteraient les canons fondamentaux de l’ère nouvelle.
Au Québec, depuis le début du brouhaha pandémique, des lobbies insistants s’activent pour influencer davantage les leaders politiques. Du côté du gouvernement québécois, Éric Caire parraine le projet de loi 6 créant le ministère de la Cybersécurité et du numérique. La Loi accorderait une seule identité numérique pour tous les citoyens. Le projet de transformation, très ambitieux pour un gouvernement, vise à rapatrier en un seul endroit les responsabilités de tous les ministères et organismes en la matière. Le ministre insiste sur l’importance de l’opération, devant « la transformation numérique » accélérée de la société et de l’accroissement de la « cyber menace », un ennemi redoutable. Bonne chance M. Caire. Comme dirait votre patron « on verra »… non sans avoir écouté les puissants de l’industrie.
Du côté de l’éducation, qui prépare l’avenir de la jeunesse, le portrait n’est pas très clair. Depuis une vingtaine d’années, les écoles privées et publiques du Québec, encouragées par le ministère de l’Éducation, ont fortement et diversement investi des ressources dans les nouvelles technologies numériques appliquées à l’enseignement. Coup du sort, le milieu de l’éducation a été fortement fragilisé par la pandémie, avec le confinement à domicile des élèves et l’enseignement à distance. Souvent avec des tutoriels plus ou moins bricolés par des enseignants qui n’ont bien sûr pas ménagé leurs efforts.
Finalement, le gouvernement a réinstauré la précieuse présence en classe, en constatant que la base de l’éducation au primaire et au secondaire demeure le présentiel. Sans oublier le niveau collégial qui fournit aux jeunes un véritable milieu de vie. Après des années d’expérience de tout ordre, plusieurs experts et chercheurs en éducation soutiennent désormais qu’innovation ne rime pas toujours avec amélioration.
Perturbations économiques
Les mesures de contrôle de la pandémie imposées au monde du travail ont généralisé le télétravail, les rencontres et réunions en ligne, les relations virtuelles avec les clientèles, les sites transactionnels, les tractations d’affaires, etc. La pandémie a notamment provoqué de sérieuses contraintes à la chaîne d’approvisionnement des biens et services, provoquant des reports, des pénuries, des fermetures. Des entreprises et leurs fournisseurs ont peiné à répondre à la demande en raison des fermetures intermittentes des usines et des ports pour raison sanitaire et de la difficulté de trouver la main-d’œuvre nécessaire.
Deux ans de pandémie n’ont pas convaincu les employés, cadres et propriétaires des vertus supérieures d’un télétravail implanté en permanence. On devra chercher encore un bout de temps l’équilibre… qui viendra, peut-être, après la pandémie.
Au bout de la ligne, les marchés et les institutions financières, dont la Banque du Canada, nous servent avec un demi-sourire le retour à une inflation nettement à la hausse. Le prix de l’essence atteint des sommets, le panier d’épicerie aussi. On nous annonce une hausse sensible des taux d’intérêt. Tout se passe comme si on allait chercher dans le portefeuille des citoyens consommateurs les profits prétendument perdus pour les grands actionnaires de l’économie mondialisée. Et on parle de forte croissance de l’économie. Sorry!
Les influenceurs
Dans le club sélect mondial des six plus importantes capitalisations boursières — qui ont chacune une valeur de plus de 1000 milliards de dollars américains en bourse — on en compte cinq qui sont de puissantes et influentes entreprises américaines de technologie numérique. Celles qu’on surnomme GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). Huit des dix hommes mondialement les plus riches possèdent et dirigent une entreprise de technologie numérique. Ils ont tous leurs entrées au gouvernement américain. À l’opposé du spectre, seulement 16 % des entreprises canadiennes ont recours aux données qu’elles produisent.
Depuis le début de la pandémie, les cybermarchés (souks virtuels) connaissent une popularité sans précédent dans la vente d’objets de seconde main. Un milliard de personnes ont fait usage de MarketPlace en 2021, le site de revente de Facebook. La pandémie a propulsé l’achat en ligne, mais aussi accéléré le lent déclin du commerce local, entraînant la presque disparition des ventes de garage. Eh oui ! Bien plus, les études montrent que les codes sur l’éthique des communications en ligne se sont fortement dégradés, comme d’ailleurs les échanges chaotiques sur les médias sociaux.
Le monde virtuel est en pleine effervescence. Un exemple dans le marché des jeux vidéo, un immense marché, qui compte plusieurs entreprises implantées au Québec, dont la française Ubisoft qui a des bureaux à Montréal, Québec, Sherbrooke, Saguenay. Microsoft, qui n’est pas le moindre concurrent, vient de débourser 68,7 milliards de dollars, un record, pour acquérir Activision, le plus important producteur de jeux. Une grosse affaire.
Au final, l’industrie numérique mondiale demeure la tête de pont d’un Nouveau Monde technologique soutenant et animant un univers virtuel omniprésent. On parle alors d’un « metavers » qui engloberait l’activité numérique mondiale. Un plan d’affaires qui a mené le patron de Facebook a changé le nom de sa gigantesque entreprise par Metaverse. Comme une métaphore pour en détourner le sens…
Demeurons sensibles, mais moins vulnérables. L’illusion séduit, la réalité déçoit, la connaissance libère.
Une réponse
Excellent texte, une véritable photographie des obstacles auxquels nous sommes confrontés et devons inévitablement trouver des solutions collectivement, pacifiquement et surtout avec civilité.