Le récent rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous place devant le diagnostic d’imminence du point de bascule pour le climat. L’actualité de l’été est marquée par des épisodes de chaleur intense au Québec, la côte ouest brûle, l’Allemagne et l’Inde sont inondés, les Prairies au sec, le pergélisol fond deux fois plus vite que prévu, tout cela s’ajoute à une pandémie qui serait le signe avant-coureur de ce qui nous attend pour la suite. On se demande comment il peut y avoir encore des gens qui nient honnêtement la crise climatique. Et pourtant il en reste pas mal qui persistent à acheter des VUS et des camionnettes pour se déplacer en ville.
Les gens au pouvoir ne montrent aucun empressement à déplaire aux gens en prenant les mesures qui s’imposent pour freiner le réchauffement du climat. Certains refusent de voir l’urgence climatique… même si les assureurs en sont, eux, bien convaincus! Les commentateurs économiques évaluent encore la santé de nos sociétés en termes de croissance et espèrent une relance à la hausse des indices, alors que les chercheurs appellent à mettre au rebut ces visées de l’idéologie néolibérale. Bref, nous fonçons dans le mur en pesant sur l’accélérateur…
Voir et comprendre les signes
Nous sommes vraiment en route pour l’apocalypse. Non pas cependant dans le sens populaire d’une catastrophe ultime, mais dans le sens original du terme. En grec apokaluptein signifie révéler : les événements sont des signes qui mettent en évidence ce que l’on peine à voir dans la situation actuelle du monde.
D’abord en démontrant l’échec du modèle économique dominant : le discours néolibéral qui est la référence depuis les années Reagan-Thatcher, est un échec monumental. Les allures triomphantes des indices boursiers en croissance fulgurante pendant la mise en pause de l’économie devraient nous inquiéter. C’est un indicateur de la fin de ce monde où les milliardaires s’enrichissent pendant que les quatre cinquièmes de l’humanité ont faim et n’ont pas les moyens de se protéger contre la COVID-19. Mais, ce sera une fin longue et probablement plus pénible pour les populations démunies.
Les gens qui migrent des États où la richesse est tellement concentrée que le risque de choisir le statut de réfugié est plus prometteur que les conditions de vie de la majorité, les populations des quartiers où l’espérance de vie est plus courte d’une décennie que dans les secteurs bien nantis, les communautés autochtones en marge de la prospérité et de conditions de vie décentes parce qu’elles ont été expulsées de leur milieu de vie traditionnel, tous sont bien conscients que le mode actuel d’organisation de la société n’est pas viable. Mais dès que notre niveau de confort masque ces injustices, nous avons de la difficulté à voir que le changement s’impose.
C’est frappant de voir aux USA les partisans de Trump revendiquer, même par la violence et des législations qui tuent la démocratie, la protection d’un modèle qui n’a aucun avenir. Le pays le plus riche du monde veut s’entourer de barrières pour n’admettre des gens appauvris que pour les tâches qu’ils ne veulent plus faire eux-mêmes et sans leur reconnaître les droits de citoyenneté. Nous voyons bien cette régression démocratique du pays qui en fait pourtant un modèle à exporter. On pourrait en dire autant de la bonne conscience du Québec qui compte sur une main d’œuvre agricole précaire, le maintien de bas salaires pour les personnes qui prennent soin des gens dans une société riche où ces activités sont profitables. Devant la transition écologique, nous avons peine à voir et surtout à faire comprendre que si nous n’abaissons pas notre niveau de vie en optant pour une simplicité choisie, nous perdrons tout.
Solidarité, convivialité et politiques sociales
Les messages de fin du monde ne sont pas une nouveauté. À chacune des époques de crise surgissent les mêmes inquiétudes d’imminence d’une catastrophe finale. L’humanité a traversé des glaciations, des bouleversements géologiques, des guerres barbares et des pandémies sans que les annonces de fin du monde ne se vérifient. Une fois de plus l’humanité est placée – certainement par les revendications de celles et ceux qui subissent le plus rapidement les effets du réchauffement climatique – devant la nécessité de changer. Il serait bien que nous nous mettions en action par solidarité plutôt que par obligation. La fenêtre qui s’ouvre est une occasion de prendre conscience de ce qui s’impose : faire le virage vers la décroissance du Nord et l’amélioration des conditions du Sud, c’est cela la transition écologique. Elle sera sociale ou elle ne sera pas. Les bouées de sauvetage technologiques qui charment les élus et les aspirants au pouvoir n’ont aucune commune mesure avec le tsunami dont les premiers signes sont déjà là. Ils annoncent le malheur de celles et ceux qui profitent de la croissance et misent sur l’individualisme, mais il nous revient d’en faire un espoir pour les laissés-pour-compte et les sans-voix.
Nous devons apprendre à lire ces signes qui nous invitent à redéployer l’économie sur des bases de solidarité et de convivialité (le bien-vivre) plutôt que de compétition à toutes les échelles et de croissance au-delà des moyens dont dispose la planète. Nous devons convaincre les gens de l’urgence de redéployer les politiques sociales afin qu’elles reposent sur un impératif de justice. Celles et ceux qui n’ont pas actuellement accès à la richesse collective doivent avoir la possibilité de participer à l’activité sociale de leur milieu de vie.
La transition exige que les savoirs citoyens soient pris en compte. Nous devons aider les élus à compter sur les compétences des gens et à partager le leadership pour être en mesure d’intervenir correctement dans les problématiques complexes de la transition.
Je suis inquiet des discours politiques creux, mais je crois à la capacité citoyenne de non seulement revendiquer des actions efficaces de nos gouvernements (locaux, national et fédéral), mais aussi de bâtir des alternatives démocratiques. L’économie sociale et solidaire, l’action communautaire autonome et les nombreuses concertations en développement des territoires sont les terreaux qui m’inspirent.
2 réponses
Je partage l’importance des engagements personnels et j’admire Mères au front. Merci Sylvie pour cet engagement. Solidairement, René
Bien d’accord avec toi René. Tout en croyant aux efforts collectifs, aux changements politiques, je pense qu’il faut déjà individuellement faire des changements et influencer nos proches et nos communautés. Il est important également d’offrir des pistes de solutions, de mettre l’accent sur les gains pour nous aider à inverser la croissance. C’est facile de donner quand on a des surplus mais plus difficile de partager en sachant que j’en aurai moins. J’aime bien Mères au front et je vais participer à leurs actions.