La citoyenneté est-elle sur « mute » ? : tribulations d’un animateur participatif en ligne

« J’ai créé une consultation publique hybride !!! » – Dr Frankenstein

 

L’heure est aux bilans !

Depuis le début de la pandémie, mes collègues de la coopérative Niska et moi avons monté et animé une grande quantité d’activités de participation citoyenne et de consultation publique. Il y en a eu de toutes les formes et de toutes les tailles.

Certaines se sont tenues en présentiel (avec masques et distanciation). D’autres étaient en format hybride (pour le meilleur, souvent pour le pire). La majorité était en ligne par la plateforme Zoom (avec la fonction « retoucher mon apparence » au maximum question de camoufler les cernes du télétravail.) Certaines animations comptaient une vingtaine de participantes ciblées, d’autres plus de 200 citoyens et citoyennes de tous âges… et de toutes les humeurs possibles.

Bref, on a roulé nos bosses d’animateurs virtuels !

 

Bien du Purell plus tard…

Maintenant que les outils informatiques sont bien en place, que les vaccins sont injectés et que les masques tombent, il est temps de gratter les questions qui démangent.

!!!AVERTISSEMENT!!!

Ce billet est basé sur la pratique et mon expérience à titre de consultant et d’animateur participatif. Il est loin de la politique ou des discours apocalyptiques (est-ce la fin de la société démocratique telle qu’on la connait ? Serons-nous tous remplacés par des drones ?). Il est également loin de prétendre à quelconque aspiration académique ! C’est un produit de l’expérience, du contact humain, du « faire ».

!!!FIN DE L’AVERTISSEMENT!!!

 

Bientôt sur Netflix, la Saison 2 de « Consultation citoyenne sur l’aménagement de jeux d’eau dans le parc Sainte-Marie-de-la-tignasse » !

 

Plus d’individus, moins de collectifs

Le premier constat est que les gens participent en plus grand nombre aux consultations publiques en ligne. C’est évidemment plus facile (on peut y assister en mou!) et pratique, surtout avec des enfants à la maison ou des enjeux de mobilité. Bonne nouvelle pour la démocratie vous dites? Wô minute!

Il m’apparait clair que l’intelligence collective est plus facile à faire vivre en personne. À mon sens, c’est d’abord une question de culture. Le virtuel a de mauvaises habitudes: pensons aux commentaires Facebook qui ne favorisent pas, c’est un euphémisme, l’intelligence collective!

Il faut beaucoup plus d’effort et de savoir-faire de la part d’un animateur pour détourner le virtuel de cette culture polémique et clivante. Mais je ne m’en plains pas, après tout c’est ce savoir-faire qui met du pain sous mon beurre…

 

« Les commentaires Facebook, c’est comme de la poésie inversée » – nagilleN elimE

 

Table ronde, écran plat

Le sentiment de faire groupe, qui s’installe souvent par lui-même en présentiel, doit être construit et alimenté consciemment par l’animation d’une rencontre en ligne :

  • C’est entre autres dû à une perte des espaces informels (discussions autour de la cafetière, dans l’entrée, etc.)
  • On doit travailler dans un canal de communication unique et partagé sensible au « bruit » communicationnel. En ligne, il est impossible pour deux participantes d’avoir une discussion entre elles sans occuper tout l’espace sonore du sous-groupe où elles se trouvent.
  • Le présentéisme, ou le fait d’être connecté sans écouter ou participer complètement au processus est également un enjeu à prendre en compte !
  • Le virtuel limite la communication non verbale si importante pour communiquer de l’affect, ce qui ajoute à la fameuse fatigue Zoom (it’s a thing!). Il prive aussi l’animateur d’une précieuse source d’information.
  • Finalement, un autre obstacle est la fracture numérique qui empêche certaines personness moins expérimentées ou moins bien équipées technologiquement de jouer un rôle actif lors des rencontres.

 

Le choix (ou l’impératif) de travailler en ligne oblige donc les responsables de l’animation à adapter leurs pratiques. Par différents stratagèmes, elles et ils doivent créer et stimuler sans relâche et de manière délibérée un contact humain et convivial entre les participant-es.

Les principes de l’animation participative semblent alors incontournables pour faire entrer les participants dans une quelconque forme de « nous » nécessaire à un vrai travail collectif. Autrement, on tombe dans une forme de sondage d’opinion en direct.

 

« J’étais en total désaccord au début, mais après ce partage d’écran d’un diaporama de 40 minutes, j’ai développé une vision nuancée et systémique des enjeux. » – Absolument personne

 

Le choix !

On semble donc avoir deux options, une qualifiable de plate et une option fun:

L’équation plate m’apparait comme ça :

Alors que l’équation fun m’apparait comme ça :

La participation citoyenne est donc écartelée par l’arrivée du virtuel. En plus, certaines activités sont menées par des firmes de communication ou par des spécialistes du contenu (environnement, urbanisme, etc.). Ces professionnel-les ne sont pas toujours suffisamment habilité-es sur le contenant (animation participative, développement collectif, mobilisation) et manquent le « care » nécessaire pour passer l’épreuve du virtuel.

J’ose y voir une occasion pour augmenter la reconnaissance de l’expertise en animation participative et en facilitation. J’y vois aussi une nécessité de faire preuve de rigueur dans nos pratiques et de garder l’esprit ouvert face à l’arrivée de cette nouvelle modalité d’interaction avec les citoyennes et citoyens.

Là-dessus, je vous souhaite une année remplie de participation conviviale et brillante, face à face comme à l’écran !

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Une réponse

  1. Merci Félix de ce premier blogue fort intéressant dans lequel plusieurs de ceux et celles (sinon la vaste majorité) qui animent des espaces collaboratifs de réflexion depuis les deux dernières années se reconnaîtront certainement. J’aime beaucoup tes « citations » créatives! Au plaisir de te lire à nouveau sous peu!

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