J’ai honte, je vote — Je suis fière, j’ai de l’espoir

Au lendemain de différents débats politiques, j’ai honte de ce que je vois.  Lorsque je regarde les politiciens, cette honte m’habite.  J’aurais aimé que l’on me parle de préoccupations concernant les changements climatiques, la lutte à la pauvreté, l’exclusion sociale, l’obsolescence programmée, la décroissance économique… et que l’on me dise qu’ils vont agir.

La honte se vit devant autrui, face au regard de l’autre comme me le mentionnait Vincent de Gaulejac[1] lors d’un séminaire en avril dernier.  J’éprouve le besoin de vous l’avouer et de faire face à votre regard. Ma honte est un mélange d’émotions et de sentiments. Dans mon cas, c’est une colère devant l’impuissance.

Je la vis inconfortablement. Remonte en moi, une vagabonde nausée qui refait surface lorsque j’écoute ce que les politiciens d’aujourd’hui me racontent. J’assiste à une pièce de théâtre, un vaudeville. Si au moins, il était burlesque, et non, juste pathétique. Juste « Pas tellement ».

Cette honte, je la porte face à ce sentiment d’impuissance tant, ce qui se passe est démesuré, je dirais même odieux. Comment faire pour opérer la magie du changement? Comment inverser cette quête du pouvoir en une solidarité humaniste?

Ce ne sont pas des politiciens, ce sont des gestionnaires académiques théoriciens. La société est malade de la gestion : « La « maladie de la gestion » devient une véritable épidémie. Elle se répand avec une accélération impressionnante… C’est maintenant tout l’appareil d’État qui est contaminé. L’obsession des résultats chiffrés dans tous les ministères… »[2]

Gestion, compétition, comparaison, pouvoir, argent, puissance économique, croissance, etc.

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais les personnes ne sont pas au cœur des priorités et dans les discours. On ne parle que d’infrastructure. L’humain n’est pas là. C’est une campagne électorale déshumanisante où les sottises s’additionnent quotidiennement.  Les politiciens se font la morale sur un passé qui n’est plus.  Pendant ce temps le présent se vit et l’avenir se dessine. Pensons à ce fameux 75$ pour une épicerie de trois personnes pour une semaine. Non mais faut-il être désincarné et coupé de la réalité à ce point?

Face à tout ce qui se passe, s’additionnent à ma honte des paradoxes.  J’en ai un catalogue.  Ils me tiraillent constamment.  Je ne suis pas isolée. « Il est évident que le paradoxe est inscrit au plus profond de l’existence humaine. Il nous est constitutif. L’être humain a la capacité de discerner des paradoxes, mais c’est en lui-même qu’il en découvre le plus. » [3] Me voilà apaisée. Au moins j’arrive à en discerner quelques-uns, voilà mon intériorité.

Je vote tout en sachant que je ne gagnerai pas. Je vote tout en sachant d’avance que mon geste citoyen n’apporte pas de changement, tout juste la possibilité d’augmenter une statistique motivante pour le parti que j’ai choisi.

Toutefois, une fierté émerge, celle de croire, celle de tous les possibles, celle de ne jamais abandonner, que c’est difficile à vivre ces paradoxes.  Ce geste vient me donner de l’énergie. Peut-être pas pour cette élection, mais celle à préparer, celle du lendemain, un autre rendez-vous dans 4 ans.

La vraie politique donne à tous les citoyens la meilleure qualité de vie possible. C’est un travail de tous les jours, et non pas seulement pendant la campagne électorale de quelques semaines.  Promettre toutes sortes d’affaires complètement désincarnées d’une réflexion globale et structurante d’un développement intelligent et intégré, à croire que nous ne sommes pas capables de voir. La confiance n’est plus là.

Nous sommes toujours en campagne. Ça n’arrête pas.

C’est un changement, une transition qui doivent s’opérer. Les institutions existent depuis des années, sans s’adapter à ce que nous devenons et notre évolution.  Avoir une pensée holistique semble utopique. Pourtant, s’élever un peu, demande d’avoir de la perspective, de la prospective.

Être agile, être souple, être flexible, être visionnaire, être polyvalent, être artisan, être humaniste, être humble, être à l’écoute, dialoguer au lieu de discuter… en les écrivant, je fais le sombre constat que ce ne sont pas des qualités très présentes parmi nos dirigeants. Être sur le terrain avec, il me semble que ce n’est pas si compliqué que ça.

Avoir un projet de société, demande des efforts et non l’inertie.  C’est dans le processus que tout s’installe et non dans le résultat.  Se mettre en action demande une volonté et du temps. C’est une culture à changer. C’est en le faisant qu’on apprend. Devenir une société apprenante à partir des personnes qui habitent les territoires.

Quelques idées….

Si on veut comprendre le Québec et ses réalités, ce n’est pas en se jumelant avec une ville de la France. Il y a 17 régions administratives (incluant les grands centres). Il y a 19 arrondissements dans la ville de Montréal. Il pourrait y avoir un jumelage entre régions et arrondissements. Ainsi peut-être pourrions-nous travailler réellement sur la complémentarité rurale urbaine. Comprendre nos réalités pour ensuite travailler à les façonner pour un meilleur vivre ensemble, partager nos savoir-faire.

Pour ce qui est de l’éducation et le taux de décrochage scolaire.  On dit aux enfants, va à l’école, tu vas pouvoir te payer une grosse maison, avoir une belle voiture, une piscine, et tout ce que tu souhaites. On les enferme dans une prison dorée au lieu de leur parler de la liberté, celle d’être et d’exister heureux non formaté dans cette société de consommation à outrance.  Évidemment que je généralise, à peine peut-être. Ensuite, on parle de dépression chez les enfants. J’ai vraiment l’impression que la vocation éducative d’aujourd’hui pousse et encourage la consommation. Outiller les enfants à développer leur culture, leur pouvoir d’agir, les éveiller à l’entraide, la solidarité, le vivre ensemble, la cocréation, la compassion, la gratitude, le contentement, le respect, le civisme, leur redonner cette capacité de s’émerveiller. Est-ce possible?

Les lieux d’éducation ont besoin de changer. L’école pourrait devenir la maison de l’apprentissage (où autre nom peu importe). Ces espaces adaptés à la jeunesse et aux réalités d’aujourd’hui pourraient être ouverts à l’année. La culture devrait être au cœur de la mission de l’éducation. Être cultivé, c’est se donner le cadeau de la liberté.  Les professeurs enseigneraient différemment, seraient reconnus, auraient du plaisir. De toute manière, la formation d’aujourd’hui et de demain, c’est tout au long et au large de la vie. Ça n’arrête pas après l’université, ça continue. Pourquoi ne pas rendre ça stimulant?

Comme les changements climatiques deviennent de plus en plus évidents, les périodes de chaleur s’intensifient et modélisent autrement les saisons et cela demande de s’adapter à leurs exigences. La nature nous parle, nous envoie des signaux, faudrait peut-être agir.  Les vacances pourraient s’échelonner autrement. Et non attendre que les enseignants et les enfants soient au bout du rouleau en juin.

En termes de gouvernance, pour comprendre et accompagner, les dirigeants se disperseraient sur le terrain, dans chaque région, travailleraient avec des groupes de citoyens. Ensemble nous dessinerions nos projets en fonction de nos réalités locales et non en fonction d’une seule possibilité celle centraliste.

Et je pourrais continuer encore et encore.  Autant de monde, autant d’idées.

Je suis tout de même habitée par cette soif de changement. Ce qui me fait dire qu’il y a une société apprenante en dormance. Il s’agit d’éveiller et stimuler ses compétences individuelles et collectives. Dialoguer au lieu de discuter, recréer une société où la confiance est rétablie envers nos dirigeants.

C’est tout un système à changer. Actuellement, la majorité de nos politiciens parlent avec la tête, et non avec le cœur.  Tout doit être raisonné. Le rêve est permis. Il apporte un côté irrationnel. Je suis désolée, mais, il me semble que les plus grands changements ont été portés par des rêveurs.

Force est de constater que la population s’accroche à son confort et vit dans l’indifférence.  Entre mes doutes et mes certitudes, je suis convaincue qu’il est possible de sortir de sa zone de confort et de faire la différence.

Sérieusement, maintenant, pour faciliter la vie des québécois, les promesses doivent être populaires.

 

P.S. : J’avoue, je me suis pincé le nez et j’ai voté.  Et mon vote en est un de conviction. Je suis fière, j’ai de l’espoir.  Je n’en suis pas à un paradoxe près.

 

______________________

[1] Vincent de Gaulejac est notamment professeur de sociologie, membre fondateur de l’Institut international de sociologie clinique et auteur de plusieurs ouvrages.

[2] Gaulejac, V. de,  2009, La société malade de la gestion, Paris, Seuil

[3] Métayer, M. 2013, Ces paradoxes qui nous habitent, Québec, PUL

 

 

 

 

 

 

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