Ce billet est le troisième d’une série de trois.
Lire la 1re partie (parue le 25 septembre 2019)
Lire la 2e partie (parue le 6 novembre 2019)
* L’État du Québec a atteint un degré excessif de centralisation de sa gouvernance. Le processus qui nous a menés à ce système politique et administratif hypercentralisé doit être inversé pour induire de la cohérence, de la cohésion et de l’efficience à l’action et l’intervention gouvernementale québécoise et au développement du territoire que composent toutes les régions du Québec. Le moyen : une vigoureuse et audacieuse décentralisation de l’État et l’établissement d’une gouvernance régionale, proche des populations, dans chacune des régions du Québec.
Comme celles qui ont porté la Révolution tranquille au Québec, les grandes réformes surviennent lorsque les forces du changement se combinent aux aspirations collectives de l’époque. Généralement, elles mobilisent les générations montantes inspirées par la sagesse éclairante de leaders bien en vue.
Le Québec post référendaire et millénaire – dans son appareil administratif et sa gouvernance politique – traverse comme les autres nations cette zone de turbulence et de remise en question qui impose à l’échelle mondiale les conditions d’une nouvelle époque. Ces forces pressurisent les domaines de l’environnement et des changements climatiques, du développement durable et de la mobilité dans les transports, de l’identité culturelle et de l’immigration, de l’éducation et de la citoyenneté, de l’économie numérique et de la pénurie de main d’oeuvre, du développement régional et de la survie des communautés rurales.
Ces thèmes mobilisent largement des plus jeunes aux plus vieux, et suggèrent cette paraphrase du fameux paradigme qui a ouvert bien des esprits « voir mondialement, gouverner régionalement ».
Pour prendre la mesure de cette nouvelle donne, le Québec doit s’engager résolument dans une vigoureuse décentralisation administrative sur le territoire et la mise en place d’une gouvernance régionale.
Ce grand chantier de décentralisation serait donc ancré dans une instance démocratique de gouvernance dans chacune des régions administratives du Québec, y compris celles de l’île de Montréal et la capitale Québec. La mise en place de cette gouvernance régionale serait la clef de voûte politique d’une décentralisation véritable de l’État québécois, donc des ministères, des politiques et des interventions gouvernementales avec les budgets et les ressources professionnelles dédiés aux directions régionales ministérielles et le cas échéant aux sociétés d’État.
Des chambres régionales – Une chambre nationale
- La chambre régionale, composée d’élus de la région elle-même, arrimerait en représentation numériquement égale les deux niveaux électifs de pouvoir constitutionnel que contrôle le Québec, celui des élus locaux (municipalités, MRC) et celui des élus québécois (députés). Elle serait présidée par un candidat élu à cette fin par l’électorat de chaque région lors des élections québécoises. Elle gouvernerait à l’aide de diverses commissions sectorielles consultatives et participatives – du genre de celles qu’avaient à l’époque les CRCD (conseils régionaux de concertation et de développement) – composées des représentants des directions régionales de ministères et des secteurs de la société civile.
- Cette grande réforme devrait finalement aboutir à la création de la Chambre nationale des régions, composée des présidents(tes) des chambres régionales, d’un nombre égal de députés nommés par l’Assemblée nationale et d’une présidence, possiblement celle de l’Assemblée nationale. La Chambre nationale des régions aurait pour mandat d’analyser, d’émettre des avis et formuler des recommandations sur les politiques et les interventions gouvernementales de décentralisation et d’attribution des ressources en matière de gouvernance régionale et territoriale.
- Le gouvernement québécois a la pleine capacité constitutionnelle et législative de créer ces instances institutionnelles régionales, de leur accorder les pouvoirs requis et les ressources nécessaires selon un modèle de gouvernance responsable et imputable. Le projet bien sûr implique une réforme de la démocratie parlementaire de l’Assemblée nationale et une modification des lois encadrant les pouvoirs législatif et exécutif.
- La présence souhaitable, mais non indispensable à court terme, d’éventuels représentants québécois (députés ou fonctionnaires) du gouvernement fédéral à la chambre régionale ou aux commissions sectorielles devrait nécessairement faire l’objet de pourparlers et le cas échéant, de négociations ultérieures avec Ottawa.
Un terreau démocratique dynamisé
La mission démocratique de cette gouvernance régionale? Les députés bénéficient d’une pleine participation à la gouvernance de leur région administrative, comme élus redevables de l’intervention et des services de l’État sur le territoire et comme représentant des intérêts de cette région au parlement québécois. Les élus municipaux, quant à eux, participent à l’élaboration des priorités dans une vision régionale intégrée, développant ainsi une relation continue et productive avec les intervenants régionaux (élus québécois et société civile) et les composantes régionales ministérielles. Chacun participant activement dans un cadre démocratique à l’identification des besoins, le choix des priorités, l’élaboration des stratégies et l’attribution des ressources comme partenaires de la gouvernance sur le territoire régional.
Cette recomposition de la gouvernance territoriale fertiliserait et dynamiserait puissamment le terreau démocratique, non seulement parmi les acteurs politiques des milieux régional et interrégional, mais aussi dans les relations qu’entretiennent les multiples intervenants de toute provenance avec le gouvernement québécois.
En fait, cette nouvelle dynamique placerait les représentants du pouvoir (élus, fonctionnaires et lobbyistes) en situation de transparence, d’interdépendance et d’obligation de résultat, créant un sain équilibre dans les rapports de force et les contrepoids démocratiques entre les régions, dans les régions elles-mêmes et à l’échelle québécoise. Essentiellement pour mieux partager la souveraineté du peuple, pour l’étendre, pour l’amplifier, afin de gouverner de façon autonome et responsable.
Bien évidemment, la réforme devra être éventuellement incorporée à cette encore hypothétique constitution québécoise, dont on se demande si elle finira par voir le jour. En fait, la réforme proposée pourrait en être l’amorce puissante, car elle est en soi un thème fortement mobilisateur. La décentralisation est un projet démocratique concret qui interpelle et peut mobiliser les populations des régions. À l’heure des grands débats sur l’environnement, l’immigration, la mondialisation de l’économie, le développement durable, l’exception culturelle, se fait sentir l’urgence pour les populations locales et régionales d’avoir les moyens institutionnels et financiers pour agir sur leur milieu et contrôler leur développement.
Il faut rapprocher le peuple de la gouvernance démocratique, lui redonner une prise réelle sur la pérennité de son patrimoine afin qu’il assume une responsabilité réelle sur le développement du territoire national et des diverses patries qui le composent.
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