La participation citoyenne en milieu municipal et la reconnaissance des rôles des divers acteurs, un exercice possible?

Les préoccupations pour la participation citoyenne ont pris leur place dans les débats publics des dernières années, et se sont notamment incarnées dans les processus d’élaboration de politiques ou de plans d’action, tant sur les questions touchant au développement social, au développement des communautés, à l’aménagement du territoire que celles relatives aux préoccupations environnementales.

L’innovation est plus présente dans les modes de consultation et de participation et a permis de rejoindre des populations généralement peu présentes dans les traditionnelles rencontres de consultation, permettant ainsi, entre autres, aux jeunes et aux citoyens non affiliés à des organismes de se faire entendre un peu plus.

Cette recherche vers une participation élargie laisse toutefois en plan d’autres questions fondamentales afin de s’assurer que la participation puisse véritablement influencer les politiques. À cet égard, il apparaît pertinent de regarder de plus près le cheminement de la parole citoyenne, mais aussi celle des professionnels et gestionnaires municipaux et organismes associatifs. Nos observations montrent qu’à ce chapitre, on s’écarte peu des processus traditionnels et que des tensions existent quant aux rôles de chacun.

Ainsi, l’observation des processus habituels d’élaboration d’une politique ou d’un plan d’action montre qu’on passe généralement de la consultation initiale des citoyens à la formulation d’une proposition par l’appareil administratif et à l’adoption par le conseil municipal. Généralement, aucun mécanisme n’est prévu pour assurer la rétroaction ou les échanges entre les parties, à l’exception de la présentation à un comité multipartite responsable de la démarche. Bien qu’un tel comité puisse jouer un rôle actif et assurer une médiation nécessaire entre les différents points de vue, les citoyens y trouvent peu de place la plupart du temps au profit des représentants officiels ou des experts.

Le processus, linéaire, laisse généralement à la seule administration municipale la responsabilité de finaliser une proposition unique ne permettant pas aux élus d’exercer un choix autre que de l’approuver ou de la rejeter intégralement. Dans ce contexte, le pouvoir d’influence de l’administration sur les orientations et les choix dépasse souvent le pouvoir d’influence des citoyens et limite celui des élus. À cet égard le rôle des directions générales pose question et il serait pertinent de l’étudier de plus près, notamment sur le regard parfois absolu qu’elles portent sur l’information transmise aux élus.

On observe aussi que les résultats de la participation citoyenne sont évidemment et normalement soumis aux orientations déjà adoptées par la ville. Bien sûr, il faut bien assurer la cohérence entre les politiques. Toutefois, quand les citoyens ne s’y retrouvent pas, ou n’ont pas l’information pour comprendre les choix de l’appareil administratif, ou celui des élus, on vient discréditer la participation citoyenne. Il est toujours plus difficile par après de remobiliser des citoyens qui ont été désenchantés en espérant que leur contribution serait prise en compte. Le citoyen doit voir le résultat de sa participation, ou du moins connaître les contraintes et les choix qui expliquent que ses propositions ne sont pas toujours prises en compte.

En bref, le modèle actuel apparaît fermé sur lui-même et peu propice au développement d’un mode de participation élargi où chacun peut être pleinement reconnu. Il semble pertinent de chercher de nouvelles avenues autour d’un dialogue s’inscrivant dans des mécanismes de rétroaction et de validation des diverses expertises (celles des citoyens, des organismes communautaires, des intervenants et gestionnaires municipaux et celles des élus).

Les tensions existantes également entre les divers acteurs méritent une attention particulière si on veut les dépasser.

Souvent encore, les organismes communautaires et les élus se disputent leur légitimité respective dans la représentation des citoyens. Dans de nombreuses villes, on considère qu’il doit y avoir un mur entre les intervenants ou gestionnaires municipaux et les élus, de crainte que ces derniers n’interviennent dans l’administratif. Des élus, par ailleurs, ont l’impression qu’ils ne sont que des machines à voter des politiques ou plans d’action élaborés par l’appareil administratif qui se fait le porteur des résultats de la participation citoyenne.

Pourtant, souvent, les élus locaux sont particulièrement bien au fait et porteurs des préoccupations de leurs citoyens. Si leurs intérêts propres visant leur réélection peuvent les amener à imposer leur agenda, ils sont aussi en lien direct avec les préoccupations des citoyens, et pas nécessairement seulement les plus puissants ou les représentants des seuls milieux d’affaires. Il faut quand même reconnaître la légitimé découlant d’une élection représentative tout autant que celle des porte-paroles d’un groupe communautaire dont le membership peut être fort variable, ce qui n’enlève rien au rôle essentiel des organismes ancrés dans leur communauté.

Par ailleurs, les intervenants et gestionnaires municipaux sont des maillons essentiels dans l’élaboration des politiques. Ils possèdent généralement une expertise incontournable et sont en mesure aussi d’identifier les limites de propositions initiales et de distinguer le souhaitable du faisable. Néanmoins, les experts n’ont pas à délégitimer les élus ni à se voir comme les seuls porteurs de la parole citoyenne. Les appareils administratifs sont souvent l’objet de critiques justifiées par des décisions, peut-être fondées, mais rarement expliquées et enrobées d’un savoir technique peu accessible.

Toutes ces tensions sont souvent improductives et créent des blocages. Au-delà des rôles habituels, la recherche d’avenues plus ouvertes pour mieux prendre en compte la valeur des différentes expertises s’impose comme un incontournable pour dégager des consensus.

Rappelons au terme de cette brève réflexion, qui nécessiterait bien des nuances et des compléments d’information, que l’adoption d’une politique municipale n’est pas, en soi, l’objectif ultime. Il faut s’assurer que ces politiques s’appuient sur la participation et la mobilisation des acteurs de tous niveaux, incluant les citoyens, pour qu’elles donnent des résultats tangibles. Il est sûrement possible d’expérimenter de nouvelles voies qui visent cette efficience, sans engendrer des processus interminables.

Quelques pistes pour aller plus loin :

  • Après une consultation citoyenne, et pourquoi pas une consultation préalable des élus, une première version pourrait être soumise à un test auprès des différentes parties, et non pas uniquement à un groupe de travail, en utilisant des mécanismes adaptés aux diverses populations;
  • Une proposition préfinale expliquant les contraintes qui empêchent de donner suite à des propositions soumises dans les consultations permettrait également de susciter la recherche d’avenues alternatives et de lever des obstacles;
  • Un vote sur le web, à l’image du budget participatif, serait également une avenue pour dégager des priorités d’actions… ou encore un forum de citoyens, organismes et élus.

Par Georges Letarte, consultant en développement des communautés

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