Écrire à la croisée des idées politico-philosophiques et sociologiques, avec des grains d’envolée littéraire : Tome 1, La diversité

Je vous parle de justice, de diversité et d’inclusion comme j’écrirais dans mon journal intime, assise sur le coin de ma table de cuisine encombrée par un peu de vaisselle sale de la veille, de camions d’enfants, de crayons-feutres et de verres d’eau à moitié vidés de la trâlée qui vit avec moi. Un café en main, le soleil qui rentre par la fenêtre et quelques plantes vertes.

Des fois, pour changer le monde, il faut aussi ouvrir les portes et les images de nos imaginaires individuels et collectifs. Imaginer autre chose, n’importe quoi, juste pour sortir des anciens paradigmes qui ont créé les problèmes qui nous étouffent. Car oser nos angles morts, nos rêves et nos grands idéaux, c’est aussi une question de survie et de renouveau. Survie individuelle, survie collective. Renouveau individuel, renouveau collectif. Je ne sais plus lequel vient en premier ou en dernier. Peut-être n’est-ce même pas important, puisque ça doit dépendre de l’urgence d’agir, de l’énergie disponible, de l’ampleur de la montagne à gravir, des types de personnalité autour de la table, etc.

Je n’ai pas encore rien dit de concret sur les théories qui rendent l’impossible possible. Commençons avec une première question toute simple : pourquoi la diversité?

Juste parce que de ne rien dire sur la diversité, c’est d’être complice, même malgré soi, de l’invisibilité des personnes et des communautés qui ne sont pas dans la norme. C’est de s’aveugler d’un seul critère (l’origine par exemple) jusqu’à finir par oublier que les communautés sont plurielles, hétérogènes et complexes, quelles qu’elles soient, où qu’elles soient. La diversité devient discriminante lorsqu’on n’en parle pas; la diversité rend les connaissances incomplètes lorsqu’on ne la nomme pas. Et là encore, tout ceci se fait au profit de notre aveuglement individuel et collectif.

Je le dis sans jugement, puisque c’est très humain d’avoir peur de la différence, de se méfier de ce qui semble être étranger. Nous avons évolué comme espèce en séparant nos ami.e.s de nos ennemi.e.s en fonction de traits de visages, de symboles de toutes sortes, de langages et de lieux jugés familiers ou menaçants :  « Garder les amis proches et tenir les ennemis loin, surtout quand vient le temps du partage de ressources et des soins ».

Mais, maintenant que nous vivons dans une ère qui profite d’une production mondiale amplement abondante pour nourrir, loger, prendre soin et éduquer toute l’humanité, il faudrait peut-être enfin apprendre qu’il est impossible d’haïr quelqu’un de proche[1]. Que de proche, tout le monde devient familier, humain comme nous. Que de proche, il est possible de comprendre les histoires de tout le monde, d’entendre leurs besoins et de se faire entendre nous aussi, et peut-être même de partager… mais de proche pour vrai.

Cela suppose des conditions de dialogue et d’écoute collectives basées sur le respect et la transparence, avec beaucoup de place pour les conversations difficiles et malaisantes : à se faire dire qu’on n’écoute pas assez et qu’on pourrait être meilleur humain, et à nommer nos peurs et nos besoins les plus vitaux, les plus profonds… et à chercher ensemble des solutions où tous les individus sont gagnants, même si un peu perdants sur quelques fronts, mais où collectivement tout le monde chemine vers quelque chose de mieux. Des espaces qui accueillent le chaos de la vie humaine, et qui arrivent à lui faire de la place sans que les individus et les communautés soient aspirés par la complexité de toutes ces vies qui souffrent et qui espèrent, de toutes ces vies qui rentrent en conflit les unes avec les autres et surtout avec la nôtre, de toutes ces vies qui sont plus avantagées ou discriminées que soi, individuellement et collectivement. Arriver à ne pas être aspiré.e par cette complexité puisqu’on aurait appris qu’elle va de soi et qu’il suffit de savoir la voir et naviguer avec elle vers une nouvelle manière de vivre ensemble. C’est un défi individuel et collectif, évidemment.

Alors je me pose la question. Pourra-t-on évoluer dans nos manières de se parler, de se nommer, de s’écouter de sorte à faire place à ce chaos et ses contradictions, sans avoir besoin de contrôler l’autre, sans avoir besoin que tout le monde soit d’accord, sauf peut-être sur le fait que tous les humains ont fondamentalement le droit de vivre et d’exister, sans condition d’être pareil à soi, et ce, en commençant dans la discussion collective, dans l’imaginaire collectif, dans les chemins collectifs vers les nouveaux mondes qui sont en train de se créer par la force des crises humanitaires en cours.

Ainsi va la vie qui va, remplie de blessures, de traumas et d’espoirs, individuels et collectifs, bien sûr, je me répète. La vie remplie de diversités aussi; des différences qui se transforment soit en discriminations, en invisibilités et en conflits, soit en potentialités, en mosaïques de créativité et en conflits.

[1] Brown. Brené, Braving the Wilderness: The Quest for True Belonging and the Courage to Stand Alone. Random House, New York, 2019.

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2 réponses

  1. merci pour votre commentaire.. oui la complexité et la simplicité de l’écoute, c’est si précieux mais quand même confrontant.

  2. Merci, votre texte est plein d’espoir et porte à réflexion sur un monde qui est, en devenir. Cependant, à peine a son balbutiement, nous n’avons pas, encore compris que pour y parvenir, il faut être dans l’écoute et la compréhension. Comprendre et savoir que de croire et ignorer.

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