La publication récente des résultats d’un sondage en ligne auquel ont répondu 1522 Canadiens questionne l’image de tolérance du Canada envers les immigrants[1]. Ce coup de sonde réalisé entre le 18 et le 27 janvier, soit tout juste avant la fusillade à la mosquée de Québec, est publié un an après l’arrivée de milliers de réfugiés syriens, dont plusieurs ont été accueillis par parrainage privé. Que peut-on comprendre de cette apparente contradiction?
L’ouverture des frontières ne suffit pas. L’intégration réelle doit être soutenue davantage. Plusieurs personnes d’immigration récente nous le répètent. Les compétences acquises qui pourraient nous servir tous ne sont pas reconnues et ces personnes sont reléguées à des emplois précaires. Il est aussi plus difficile de trouver un logement si vous êtes une famille immigrante. À Montréal, vous avez également plus de chances d’être arrêté par la police si vous êtes un jeune noir, même si les taux de criminalités sont semblables comparativement aux jeunes blancs.
Je vis au centre-ville et je croise quotidiennement dans le métro des personnes de toutes origines. Mais il ne suffit pas de se côtoyer, encore faut-il se parler pour paraphraser la tournée récente à laquelle Claire Bolduc réfère dans son récent billet «Mieux vaut prévenir». Elle y souligne l’importance de l’éducation axée sur des valeurs d’humanité tout comme Claude Béland qui appelle à une formation valorisant le savoir être (billet « La mobilisation de la connaissance »).
L’éducation est une assise essentielle, j’en suis. Il faut aussi encourager l’attitude d’ouverture dans nos collectivités et la manifester par des gestes simples, conviviaux et concrets. Et pas seulement au moment de crises comme plusieurs personnes d’origine québécoise ont su le faire suite à la tragédie dans la mosquée de Québec. Sans oublier les initiatives de la communauté musulmane qui a ouvert récemment les portes de plusieurs mosquées pour défaire les mythes concernant les fausses menaces qui leur sont associées.
Nos politiciens qui tentent de tirer profit des récents événements s’affrontent sur un discours identitaire qui peut devenir toxique, en nourrissant les résistances face à l’étranger. Sans compter l’influence des politiques de fermeture au sud de nos frontières qui risquent de légitimer des discours et des réactions de méfiance et d’exclusion. La vigilance face au risque de dérapage s’impose!
Cette question ne peut pas être traitée comme secondaire dans le développement de nos collectivités. Les droits économiques et sociaux des personnes immigrantes et des groupes qui vivent la discrimination sont au cœur des luttes contre les inégalités économiques et sociales. Il est donc nécessaire de développer avec eux des échanges pour trouver des solutions parfois spécifiques mais bénéfiques toute la collectivité. Comme le souligne Dalila Awada dans un récent numéro du bulletin Fractures de l’IRIS : «C’est ce qui nous démarquera du libéralisme ordinaire, où l’égalité n’est guère plus qu’une simple formalité. Il faut plutôt nourrir une culture alternative où les mots dignité et solidarité ne sont pas désuets. Une culture d’écoute, de reconnaissance et de réciprocité…»[2].
Nous profiterons tous de ces gestes d’ouverture. C’est une question de démocratie qui ne relève pas seulement des institutions mais reste notre responsabilité comme citoyens et citoyennes. Parler à mon voisin qui m’est étranger, apprendre à le connaitre. Cette convivialité est créatrice de solidarité.
[1] Lise-Marie Gervais, « Le Canada n’est pas si tolérant », Le Devoir, 13 février 2017 [http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/491562/le-canada-n-est-pas-si-tolerant]
[2] Dalila Awada, Fractures (le bulletin des membres de l’IRIS), no.3, vol.2 pp.10-11.