On est toujours le traître de quelqu’un. Parfois de soi. Je n’accuse personne. Je désespère de moi. J’aimerais que ma confession publique incite d’autres pécheurs à sortir de l’ombre pour qu’ils se libèrent des doutes insupportables qui font obstacle à l’épanouissement de leur foi.
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J’avoue tout!
Je n’ai jamais été convaincu de l’efficacité des mesures d’austérité. Je ne suis pas rassuré quand on me dit que la disparition des sièges sociaux du Québec est une illustration d’une économie dynamique et ouverte sur le monde, qu’une équipe de baseball est essentielle à notre épanouissement collectif. Je demeure sceptique quand on m’explique que la modernisation de Desjardins passe par la disparition des caisses régionales, du pouvoir de la base, d’une bonne part des ristournes, de l’authenticité coopérative, mais qu’elle est indissociable des rémunérations élevées des cadres supérieurs. J’entretiens depuis le début des doutes sérieux sur la réforme de la santé et ses objectifs réels. Mais je crois pourtant que la santé a besoin d’un changement (notamment de ministre). Je ne suis pas convaincu qu’une élection référendaire ou même un référendum en bonne et due forme soit, à l’heure actuelle, la priorité. D’un autre côté, je suis loin d’être convaincu par l’option de la Coalition Avenir Québec (CAQ). Mais comme j’ai des doutes encore plus profonds sur le parti de M. Couillard…
Que les vrais, les purs, les durs – les Justes de tous les camps – m’infligent le châtiment mérité puisque ma faute est terrible. Une partie d’entre eux seront d’autant plus motivés lorsqu’ils sauront que je me suis réjoui de l’élection de Trudeau parce qu’il nous débarrassait de Harper.
Une vertu démocratique
Il faut dire que je ne suis pas un Vrai. J’ai même la fierté de ces travailleurs pauvres, mes ancêtres, qui grattaient la terre pour le bénéfice de leurs maîtres en Italie du Sud, en 1534, encore en 1760, même en 1837 – voire en 1900 et quelque. J’ai une double identité : québécoise et italienne. J’entends la voix des Justes qui me confondent avec une bonne partie de la population. Me voici en bonne compagnie! Pécheur même pas repentant : car je crains l’homme d’une seule identité, presque autant que celui d’un seul livre – fut-ce la Bible, Le Capital ou Un homme et son péché ou le dernier livre de recettes de Ricardo. Il me semble même qu’il y a de la liberté à prendre dans l’aller et retour entre deux cultures – question de savoir qu’aucune n’est un absolu et qu’il y a d’autres contrées hors des murs de son village.
Je ne suis pas un pur. J’ai des amis qui croient au Diable, comme il se doit, mais j’en ai qui croient en Dieu, à la CAQ, au Parti libéral du Québec (PLQ), moins il est vrai qui croyaient en Jean Charest. S’il en existe, je les accepte d’avance avec amitié et compassion. Et j’aime assez cette démocratie, même limitée, qui nous donne à tous le droit de changer d’idée. À cet égard, le doute est une vertu démocratique
Je ne suis peut-être pas un dur. Tant pis! Pour l’indépendance, je me dis parfois que nous verrons plus tard, qu’il y a des choses plus pressées que de faire un troisième référendum, comme d’éviter que tous les acquis de la Révolution tranquille (pourtant largement réalisés par le Parti libéral) ne disparaissent. Hélas, je n’ai pas la persistance qu’il faut dans la vertu. Mes opinions s’arrangent trop facilement des nuances. Je dois vieillir : toutes mes idées ne naissent plus que dans la prudence et évoluent dans le scepticisme. C’est le doute, désormais, qui fonde mon action plus que la conviction. Il y a de bons côtés. On ne crée pas de secte, on ne tue pas au nom du doute.
Je m’en confesse devant les Justes, qui sont de plus en plus nombreux, à gauche et à droite (mais surtout à droite). Ils savent la science de l’anathème et portent à la main toute la puissance de la foudre. Qu’un seul Juste se lève et le doute sera confondu!
Une réponse
Excellent. Comment dire, le ton est….juste