Changer le monde à hauteur de collectivité

Municipalités et développement durable – deuxième partie

C’était la « relâche » scolaire. J’en ai profité, comme beaucoup de parents, pour prendre une pause loin de la ville. Charlevoix est l’oasis, depuis mon enfance. Encore aujourd’hui, la vue des montagnes m’apaise et la forêt de conifères enneigés m’accueille.

Guérison par la nature. Moment de rencontre entre l’humain et le reste du Vivant. Je suis petite et fragile au milieu des grands arbres et je suis bien ainsi. Un moment d’humilité, presque une demande de pardon pour tout ce que moi et les miens leur infligeons.

De retour à la chaleur du foyer… qui consume leur chair à grosses bûches.

Je ne peux m’empêcher de revoir dans ma tête la vision déprimante de Clermont, petite ville dans le creux des montagnes, vivant depuis toujours de son usine de papier. Je l’ai traversée dans ma voiture, au milieu d’autres voitures allant et venant sur la rue principale, long boulevard aux commerces clairsemés, entrecoupés de maisons aux rideaux tirés. À Clermont, sur la rue principale, les bibelots tremblent sur les tablettes lorsque passent les « dix-huit roues ».

Planifier et voir loin

À Clermont et dans bien d’autres villes et villages québécois, l’aménagement urbain laisse toute la place à la voiture et les principales artères rappellent, en miniature, le tristement célèbre Boulevard Taschereau, désert d’air pur et cancre de l’aménagement, bien connu des montréalais.

Cet état de fait me porte à explorer une première piste d’action pour le développement durable des municipalités, à leur portée et dans leurs prérogatives : la planification urbaine.

Une ville, petite ou grosse, est un tout complexe, à la fois géographique, à la fois bâti, à la fois social, à la fois économique. La forme urbaine et les choix faits à travers la réglementation, l’aménagement, les services et les infrastructures sont déterminants quant à la capacité d’une municipalité à assurer un développement durable de son territoire et une qualité de vie à ses citoyens.

En Amérique du Nord, les municipalités doivent gérer les effets d’un type de développement favorisant l’étalement de la population sur des territoires de plus en plus vastes. Ce mode d’occupation a largement contribué à l’augmentation des déplacements ; l’affluence des automobiles entraînant avec elle la congestion routière et l’augmentation des émissions de gaz carbonique (CO2) – responsable, avec le méthane, d’une bonne part du réchauffement climatique[1].

On peut penser que la tendance est inéluctable et qu’on ne peut remettre le banlieusard satisfait dans son vieux « quatre et demie » d’étudiant. Toutefois, on peut très bien aménager les villes et les villages pour donner le goût de les arpenter, d’y croiser ses concitoyens et de s’y sentir bien.

Aux États-Unis, environ 87 % des déplacements sont effectués en auto individuelle et 60 % sur une distance de moins de 11 km (U. S. Environmental Protection Agency, 2010). Une bonne part de ces déplacements pourrait être effectués à vélo et même à pied.

Nonobstant une potentielle propension à la paresse, on peut penser que la forme urbaine influe beaucoup sur le choix de la voiture comme mode de transport. On sait, par exemple, que les trottoirs, les commerces de proximité, les espaces verts et les pistes cyclables sont autant d’incitatifs à adopter des comportements actifs et à laisser la voiture au garage, la réservant pour la visite dominicale chez les grands-parents.

On sait aussi qu’installer du mobilier urbain attrayant, des bancs dans les endroits d’intérêt, de l’art public, de l’éclairage, de faire une fête, de décorer les façades, de règlementer l’aspect, la hauteur et la disposition des constructions sont autant de touches magiques qui contribuent à créer un noyau urbain dynamique. Celui-ci tend, à son tour, à concentrer la forme urbaine, à favoriser le transport actif et à générer un environnement où il fait bon vivre.

Est-ce à la portée des municipalités? La réponse est oui. Graduellement, à la hauteur des moyens financiers et des opportunités, mais appuyé sur une vision à long terme. À coup de projets tangibles pour les citoyens.

À ce titre, la Ville de Vancouver est un exemple particulièrement inspirant.

Vouloir être les meilleurs

En 2009, le maire de Vancouver, Gregor Robertson, a lancé le Greenest City 2020 Action Plan. Être les meilleurs, rien de moins. Il a décidé de regarder loin en avant, au-delà de son mandat politique et de fixer des objectifs pour 2020. En 2018, il est toujours en poste et porte toujours fièrement sa vision[2].

Comment faire pour être la ville la plus verte? L’équipe de Robertson a fixé des cibles environnementales, sociales et économiques à la portée de ses pouvoirs et des moyens de la municipalité. Il a aussi invité les citoyens, les organismes et les entreprises à être parties prenantes des changements : verdissement, moins de voitures, plus de vélos et plus de transports en commun (moins polluants de surcroît), bâtiments carboneutres, soutien à l’économie verte et de partage, incitatifs pour manger local (jardins communautaires, toits potagers, restauration, etc.), réduction significative des déchets par plus de recyclage, de compostage et de réutilisation et, enfin, une position clairement affirmée contre les énergies fossiles.

Fort à parier que rien n’est parfait. Cependant, Vancouver est aujourd’hui la ville la plus verte au Canada et dans le peloton de tête mondial.

En guise de conclusion : un exemple tiré du magazine Web Smart Magazine – La voie verte Arbutus

Dans le cadre de son Greenest City 2020 Action Plan, Vancouver avait pour projet d’accroître de 50 % le transport écologique. La voie verte Arbutus en est un projet phare.

En 2016, après vingt ans d’impasse, la Ville a conclu avec le Canadien Pacifique un contrat d’achat du corridor Arbutus. Cette ancienne ligne de chemin de fer, qui traverse la ville sur neuf kilomètres, est désormais utilisée comme couloir de transport multimodal. Connexion entre les quartiers, elle permet aussi d’accéder facilement au Centre-Ville. Déjà des pistes cyclables et des voies piétonnières ont été aménagées et une ligne de métro léger est en construction.

En cours de processus, plusieurs événements ont été organisés pour consulter les citoyens sur leurs besoins et leur vision du projet. Ces consultations ont été l’occasion de mobiliser la population et, surtout, de soutenir des changements positifs dans les habitudes de transport et les modes de vie.

J’en rêve… pour Clermont, pour Montréal, pour d’autres, avec une pensée toute spéciale pour Lac-Mégantic.

 

 

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[1] Selon TechnoMontréal, un organisme voué au développement des technologies de l’information, 75 % de l’énergie produite sur la planète est consommée dans les villes, celles-ci émettant 80 % du CO2.

[2] Le 10 janvier dernier, il a toutefois annoncé qu’il ne se représenterait pas aux élections municipales prévues en octobre 2018. « [Il faut] savoir quand donner la place à de nouvelles voix et de nouveaux chefs », a-t-il dit… Une autre sagesse.

 

 

 

 

 

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Une réponse

  1. J’en rêve également pour nos villes et villages. Je rêve de revoir Clermont tel qu’il a déjà été avec ses ruisseaux re-découverts dévalant les pentes jusqu’à la grande rivière. Je rêve de voir le boulevard Notre-Dame libéré de ses alignements de motoneiges et de camions légers à vendre. Je rêve de marcher dans ses rues et de pouvoir y saluer mes semblables. Il faudra du temps, de la volonté, de la vison, bien entendu, mais cela est possible, d’autres municipalités y étant parvenues. Mais il faudra aussi d’autres choix que ceux que nous proposent certains politiciens en ces temps électoraux, comme de construire un pont sur le Saguenay à la hauteur de la route 138 ou de prolonger telle autoroute dans le Montréal métropolitain.

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