Qui pilote le développement de nos villes?

 « Les propriétaires règnent et raisonnent en termes de profits, alors que la Ville, reléguée au rôle d’intendante, doit sans cesse rappeler que les quartiers sont d’abord des lieux où des gens vivent, créent, rêvent, se mobilisent… »
Aurélie Lanctôt, Souverains des villes, Le Devoir, 29 novembre 2019

Les exemples où le développement de nos municipalités est laissé au bon vouloir des promoteurs immobiliers avec des conséquences désastreuses sur nos quartiers et nos milieux de vie se multiplient. À Montréal, on apprenait récemment qu’une école primaire verra finalement le jour dans le secteur Griffintown, grâce à une entente entre la Ville de Montréal, la CSDM et l’entreprise d’économie sociale Bâtir son quartier. Une excellente nouvelle pour les familles qui habitent ce quartier en développement, après de nombreuses années infructueuses à chercher des solutions pour combler l’absence de services de proximité dans ce secteur. D’où la nécessité d’une vision d’ensemble en aménagement urbain.

Cette responsabilité relève de la Ville de Montréal qui doit être proactive pour encadrer le développement de son territoire. Si l’administration municipale veut attirer les familles sur l’Île de Montréal et développer des milieux de vie avec une mixité d’usage et de population, il faut s’assurer qu’il y ait dans tous les quartiers des services publics, des parcs et terrains sportifs, des transports publics abordables, des commerces de proximité et surtout des logements que les ménages ont les moyens de se payer.

Pour créer des milieux de vie complets répondant aux besoins incontournables des habitants, la Ville de Montréal doit cesser d’être en mode rattrapage pour obtenir des retombées dans des projets immobiliers privés. Après le projet Royal-Mont, situé à l’intersection des autoroutes 15 et 40, celui du Square Children sur le site de l’ancien hôpital pour enfants et le Nouveau quartier Griffintown, il est temps d’inverser la logique et de cesser de laisser aux mains des promoteurs la planification de la ville et de nos quartiers. 

Des outils essentiels pour une planification publique

Comme Longueuil ou Brossard où aucun terrain n’a été prévu pour y installer une école, Montréal dispose de peu de moyens réglementaires et financiers pour encadrer son développement. Cela questionne le statut et le pouvoir des municipalités. Une révision de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme par le gouvernement du Québec est essentielle pour reconnaître les municipalités comme de véritables gouvernements de proximité et leur assurer un cadre législatif laissant un plus large espace à l’innovation en matière d’aménagement du territoire.

C’est aussi l’affaire des citoyennes et citoyens de faire valoir leurs préoccupations pour des milieux de vie axés sur la diversité et l’inclusion, ce qui est indispensable pour créer des environnements accueillants et résilients face à l’urgence climatique. Cet enjeu est bien présent dans l’arrondissement Le Sud-ouest à Montréal où deux visions opposées ont été présentées dans les récentes consultations de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur le secteur Bridge-Bonaventure situé en bordure du Centre-Ville.

D’une part le projet proposé par des promoteurs, le groupe Bronfman et le promoteur Devimco, axé sur une vision du développement visant à positionner la ville dans la compétition internationale pour attirer l’investissement et le tourisme de luxe. Ils demandent à la Ville de Montréal un zonage permissif permettant la construction d’un stade de baseball et de tours luxueuses, présentées comme la prochaine phase de Griffintown. En tout, ils convoitent près de 1,5 millions de pieds carrés. L’appétit de ces développeurs semble insatiable. Ils multiplient les activités de lobbying et les annonces médiatiques pour demander au fédéral et au provincial de se départir, à leur profit, de certains des rares terrains et bâtiments publics dans les quartiers centraux.

D’autre part, les organismes communautaires du quartier Pointe-Saint-Charles ont présenté lors de ces consultations une toute autre vision pour l’avenir de ce secteur et de ses propriétés publiques. Issu d’une longue démarche de conception collective avec les résidents du quartier, le milieu de vie proposé est résolument accessible, abordable, écologique. Il inclut plus de 1000 logements pour les familles et personnes à petit et modeste revenus ainsi que des équipements qui font défaut dans le quartier, dont une maison de la culture, des terrains multisports et une école secondaire. Cette proposition est basée sur une affirmation qui relève de l’évidence : les terrains publics doivent être réservés pour répondre à des besoins et des intérêts collectifs. Il s’agit de terrains appartenant à la Société immobilière du Canada qui devraient être utilisés dans le cadre de la stratégie nationale sur le logement du gouvernement fédéral et un édifice à bureaux appartenant à Loto-Québec, une société parapublique. La proposition du quartier comprend également la consolidation des zones d’emploi existantes dans le secteur Bridge-Bonaventure.

Montréal, Québec et Ottawa doivent refuser l’accaparement du foncier en bordure du centre-ville par des investisseurs et promoteurs qui font du logement une occasion de profit et qui veulent un nouveau stade à Montréal alors que le stade olympique pourrait être aménagé et mieux utilisé. Cela exige de la détermination de nos élus, tous paliers confondus, et l’appui de la population.

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