Endettement des gouvernements et action publique


Dans le cadre du 5e anniversaire de Nous.blogue, Sophie Michaud, chargée des contenus et des projets en partenariat à Communagir, rencontre des blogueurs de Nous.blogue pour «Une petite jasette avec…», en vidéo. Ce billet accompagne la jasette qu’elle a eue avec Gilles Beauchamp et que vous pouvez voir ici.

 

Contrairement aux conversations spontanées que j’ai parfois le plaisir d’avoir avec Sophie Michaud de Communagir, il me fallait cette fois «me ramasser» pour que notre entretien ne dure pas plus que 5 à 7 minutes. Notre premier essai faisait plus de 20 minutes!
Le deuxième essai n’en faisait que 9 et nous n’avons pas tenté d’en faire un troisième, la spontanéité se perdant à chaque itération!
J’aborde, dans ce court entretien, la question de la dette publique, mais surtout, finalement, celle de la capacité d’agir et de l’obligation d’agir de nos gouvernements. L’obligation d’agir pendant la pandémie pour combler le manque à gagner des employés qui sont obligés de rester chez eux; pour soutenir aussi les entreprises dans l’obligation de fermer ou qui font face à des conditions de fonctionnement qui sont plus coûteuses qu’à l’habitude.

Un soutien aux entreprises et aux individus qui devrait se poursuivre pendant la période de relance qui suivra la pandémie. Ce qui s’est traduit par une importante dépense publique imprévue, inhabituelle. Mais aussi par une nouvelle reconnaissance de l’importance du pouvoir public dans son rôle de régulateur, d’initiateur ou de contrôleur.

Après la pandémie nous aurons encore besoin de cette responsabilité publique retrouvée pour accomplir certaines tâches reportées (pour cause!) ou pour répondre à des besoins mis en lumière par la crise, notamment: relocaliser certaines productions et pas seulement celle des masques; ou encore cette tâche, à plus long terme, mais non pas moins urgente, qu’est celle de décarboner nos modes de production et de vie. Et finalement, pour la faire cette décarbonation, et cette relocalisation, il faudra les faire à l’échelle globale. Grâce, premièrement, à la traçabilité de nos chaînes de production, afin de connaître non seulement le contenu en carbone qui se trouve dans nos produits, mais aussi la quantité de vie sauvage qui a été sacrifiée pour nous fournir ces produits. Cela nous permettrait de savoir, par exemple, quand on mange une boule de crème glacée si on mange en même temps une partie de l’Amazonie! Finalement, faire cette traçabilité à l’échelle globale nous permettra d’imposer une taxation à la frontière afin que nos efforts d’ici ne soient pas rendus inutiles par le laxisme des pays d’où nous importons nos biens.

Mais, toute cette responsabilité sociale et économique retrouvée implique des coûts. Et comment allons-nous payer tout ça? C’est un peu la question qui se pose. Il semble que la première façon qui vient à l’esprit des gouvernants et des commentateurs c’est l’endettement public, autrement dit : on n’a pas l’argent maintenant, mais on payera plus tard. Et on compte sur le développement économique à venir pour faire en sorte que le poids de la dette diminue de plus en plus par rapport au PIB. Mais, cela revient aussi à soumettre de plus en plus l’action des gouvernements à l’opinion et l’humeur des marchés et des agence de notation de crédits : « Ah, on va perdre notre cote AAA ». Ce qui faisait dire à Gaël Giraud : « La dette c’est un alibi pour l’austérité ».

Une autre façon, moins à la mode depuis quelques décennies, de faire face à ses obligations pour un gouvernement est par les impôts et la taxation. Ici il n’est pas inutile de rappeler qu’en 1949, par exemple, un salaire de 500 000$ était imposé à 92% alors aujourd’hui, comme en 1925 d’ailleurs, les hauts salaires (ou sont-ce les revenus?) ne sont imposés qu’à 25%. (Et on n’a pas parlé d’un impôt qui pourrait être prélevé de façon exceptionnelle ou ponctuelle sur les grandes fortunes).

En plus de l’endettement des gouvernements ou de l’imposition des citoyens de la génération actuelle, il existe une troisième manière de soutenir l’action publique.

En effaçant certaines dettes gouvernementales ou encore en utilisant ce qu’on appelle de la «monnaie hélicoptère», les banques centrales peuvent intervenir pour soutenir l’action des gouvernements et des sociétés. Contrairement à l’idée reçue, les banques centrales ne sont pas neutres. Lorsqu’elles viennent en aide aux entreprises en difficulté (en rachetant les prêts consentis par les banques commerciales), à qui profitent le plus cet aide? Ce sont souvent des entreprises dont il faudrait se départir collectivement, notamment les entreprises du secteur de l’énergie fossile. Pour certains commentateurs et chercheurs, par exemple les gens de l’Institut Veblen, il faudrait que les banques centrales interviennent plus directement, notamment en soutenant les secteurs «verts», plutôt que de faire semblant d’être neutre. «Une politique monétaire qui ne tient pas compte des facteurs qui contribuent à cette crise [climatique] est tout sauf neutre.» (Réussir le Green Deal, Institut Veblen)

Pendant la période qui s’ouvre où les sociétés devront déployer des engagements financiers technologiques et humains à hauteur encore jamais vue, à la fois pour sortir de la crise actuelle, mais aussi de celle qui vient (climat), il faudra être créatifs et peut-être même aller jusqu’à oser utiliser de la «monnaie hélicoptère».

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