À quand une véritable réforme dans le Réseau de la santé ?

L’actuelle pandémie illustre très clairement plusieurs lacunes de notre Réseau de santé et ce besoin urgent de le réorganiser ou de le revamper. Dans cet humble propos, je n’ai pas la prétention ou l’intention de faire le tour de tout ce qui embourbe notre système de santé. Il y a tant à dire que cela mériterait une analyse encore plus approfondie que ce qui est actuellement véhiculé sur la place publique. Non, je me limiterai plutôt ici à présenter deux expériences concrètes qu’il m’a été permis de vivre, et ce en lien avec ce même Réseau…

 

Deux expériences vécues

1. Une certaine forme de gestion participative

J’ai œuvré pendant plus de trente ans en CLSC à titre d’organisateur communautaire et de coordonnateur d’une équipe de Maintien à domicile (multidisciplinaire), et ce dans un modèle de gestion participative.

Ce type de gestion permettait aux intervenants.es/terrain d’avoir leur mot à dire dans l’utilisation du budget alloué dans leur secteur d’activités et surtout de les responsabiliser davantage dans l’organisation et la dispensation des services à la population.

De fait, je n’ai jamais rencontré une équipe/programme aussi dévouée à sa clientèle, notamment de ses médecins qui à l’époque étaient payés à salaire dans la plupart des CLSC.

Grâce à eux, grâce à l’implication de tous les autres membres de l’équipe nous avions développé (entre autres choses) un programme d’intervention des plus articulés dans l’accompagnement des gens très malades désireux de mourir à domicile. Il y eut même un reportage de Radio-Canada sur le sujet.

Autre fait notable, c’est que dans ce modèle de gestion (à part le directeur général qui gardait son droit de véto) les cadres demeurent syndiqués et dispensateurs de services directs dans leurs champs d’action et étaient soumis chaque année à un renouvellement de mandat, et ce à partir d’un vote de l’ensemble des membres de leur équipe respective.

Une petite prime était consentie à ces cadres volontaires, considérant ce rehaussement de responsabilités. Mais cela permettait aussi une certaine économie d’argent au niveau administratif, argent qui pouvait ainsi être investi ou réinvesti dans d’autres activités/services.

Bien sûr, le Ministère n’a jamais compris ou admis notre façon de faire, mais les résultats atteints permettaient un certain niveau de tolérance. Heureusement, nous avions un directeur général et un Conseil d’Administration capable de se tenir debout.

Ainsi, en plus d’un CA (élu par la population et très représentatif de tous les secteurs ou couches de cette même population) notre CLSC animait continuellement toutes sortes de rendez-vous dans le milieu et était très intégré dans les principales instances de concertation de son territoire.

Autre anecdote, nous avions même une équipe mixte (pourrie) de ballon-balai toujours prête à relever les défis dans les communautés prenant plaisir à nous massacrer…

La population appréciait beaucoup son CLSC et celui-ci organisait là encore de façon continue toutes sortes de mécanismes de rétroaction ou d’évaluation avec les usagers et affichait une volonté constante de pouvoir s’améliorer.

Bien sûr, tout n’était pas parfait, mais un véritable désir de toujours faire mieux.

À l’interne là aussi une réelle politique d’évaluation ou de co-évaluation réalisée de façon constructive toujours dans l’objectif d’une plus grande mobilisation du personnel.

J’ai été coordonnateur d’une équipe (d’une trentaine de personnes) pendant une douzaine d’années jusqu’au jour ou fusion oblige on a voulu faire de moi un vrai boss dans une gestion ce qui m’aurait privé de mon rôle d’organisateur communautaire, chose inadmissible dans ma vision des choses.

En douze ans, malgré l’obligation d’effectuer toutes sortes de compressions budgétaires (ou l’équipe avait là aussi la possibilité d’émettre un avis dans le choix des coupures) nous n’avons jamais rencontré de grief syndical et c’est ensemble que se réglaient les difficultés rencontrées.

Bien entendu, ce type de gestion exige non seulement une plus grande responsabilisation (et autonomie) des intervenants.es, mais aussi et surtout une très grande capacité de travailler en équipe.

Ce n’est pas par simple nostalgie que je me rappelle aujourd’hui ce vécu.

C’est bien plus pour démontrer que ce modèle pourrait inspirer un tant soit peu la nécessaire réforme qui s’impose aujourd’hui dans notre Réseau de la santé.

Cela présuppose le retour à des petites unités de travail (à l’échelle humaine) où les acteurs de premier niveau ont la possibilité de participer pleinement à l’actualisation d’une mission Santé.

Cette approche ou façon de faire peut prendre différentes formes, il n’y a pas de modèle unique.

Toutefois, elle se réfère toujours à une plus grande participation du personnel aux mécanismes de prise de décisions et surtout à une plus grande implication/appropriation citoyenne, et ce à tous les niveaux.

Comment l’amélioration de la Santé de toute une population peut-elle se faire sans elle ?

 

2. Plus qu’un comité d’usagers, une expérience de participation citoyenne.

Un autre fait vécu (plus récent) est celui du Comité des usagers du nord de Lanaudière, un des comités du CISSSL.

J’y suis impliqué depuis une dizaine d’années et celui-ci m’apparaît comme assez unique autant dans sa représentation que dans son fonctionnement.

En effet, ce comité se subdivise en deux (avec un exécutif central) dont un sous-comité formé de représentant.es des onze CHLSD de notre vaste territoire et un autre sous-comité formé de deux représentants.es (élus) pour chacune des quatre MRC de notre territoire.

Rappelons que notre comité d’usagers (comme tous les autres) a un rôle formel reconnu par la Loi de la Santé qui en est un de promotion et de défense des treize droits des utilisateurs ou usagers des services offerts autant sur le plan individuel que collectifs.

Notre comité a des liens assez directs et formels avec la plupart des hauts gestionnaires de notre CISSS et réussissons assez souvent à avoir gain de cause autant dans l’accès que dans l’amélioration de la qualité des services.

Nous disposons d’un budget de 90 000 $/an, dont 11 000 $ distribués dans les onze CHSLD. Le reste du budget (budget qui n’a jamais été indexé depuis 20 ans) sert à assumer les dépenses personnelles des bénévoles dans l’exercice de leurs fonctions… du moins une partie de celles-ci…

Nous pouvons compter sur une personne-ressource (très compétente) à raison de trois jours/semaine et d’une secrétaire administrative à raison d’une journée par semaine.

Notre comité n’est pas assez financé et beaucoup se fait sur le bras.

Cela démontre le peu d’importance accordée aux usagers dans l’actuel système de santé. En fait, nous constituons une contrainte de gestion de plus.

Nous participons à un comité central des comités d’usagers appelé le CUCI, comité inutile imposé par le bon docteur Barrette, car les comités n’ont pas besoin de cela pour se mettre en partenariat.

Nous avons aussi un délégué au CA du CISSSL, mais quel pouvoir reste-t-il au palier régional ?

Mais notre priorité reste celle d’être très présent sur le terrain.

En effet, en plus d’offrir toutes sortes d’accompagnement individuel nous nous faisons un devoir d’être en interaction avec les principales instances de concertation sociales et de santé, et ce dans chacune des quatre MRC de notre territoire de même qu’avec les différents Conseils des maires.

Nous préférons par ailleurs, nous impliquer davantage dans toutes sortes de chantiers à l’échelle régionale.

Notre comité a un mode d’accès ouvert permettant à quiconque qui veut s’impliquer de pouvoir le faire.

Cela permet du renfort dans plusieurs travaux du comité et aide à organiser la relève.

Notre comité est continuellement en mode recrutement.

Tout cela demande beaucoup d’énergie. Nos efforts ne sont pas toujours couronnés de succès. Des fois, c’est long, mais on réussit à faire des avancées… nos rapports annuels le démontrent très clairement.

Notre comité fonctionne dans une sincère volonté de partenariat avec l’établissement et essayons ensemble de trouver des solutions aux problèmes rencontrés.

Mais des fois, il nous faut brasser la cage surtout dans la période de centralisation que nous vivons aujourd’hui.

Oui, il y a encore des citoyens.nes qui veulent encore s’impliquer encore faut-il supporter et encourager leur nécessaire contribution.

 

En conclusion

Les deux situations présentées ici font appel à un principe de leadership partagé et je me considère chanceux de m’être retrouvé au bon endroit au bon moment.

Pourquoi notre Réseau de la Santé n’aurait-il pas l’audace d’aller vers de telles approches ?

Pourquoi accepter que le plus gros budget de la province soit si mal organisé ?

Pourquoi tant de retards dans autant de secteurs d’intervention notamment dans le maintien à domicile ?

Pourquoi en temps de pandémie, c’est toute la population qui est prise en otage à cause d’un système de Santé tout croche et d’une Santé publique mal fichue et qui est toujours en retard ?

C’est maintenant qu’il faut tout remettre en question, les fameux privilèges et cette forme de gouvernance qui n’est plus adaptée au nouveau contexte sociosanitaire.

C’est maintenant qu’il nous faut prendre la parole et j’invite tous les autres blogueurs.euses à s’exprimer sur le sujet.

Ce système de santé nous appartient… il n’appartient pas seulement aux politiciens, aux hauts fonctionnaires et aux ordres professionnels…

 

Merci de votre attention.

Commentaires partagés sur Facebook

3 réponses

  1. On devrait commencer par changer le nom pour Réseau de la maladie puisque tres peu du budget est mis sur la prévention!Le rôle du medecin est de diagnostiquer la maladie alors que dans la definition du rôle de l’infirmiere, il y a prévenir et maintenir la santé…L’expertise de l’infirmière est la seule qui peut accompagner de la naissance à la mort…

  2. Cher Alain,
    Je souhaite que tes réflexions inspirent l’opération dite de « refondation » que se propose d’entreprendre le gouvernement de la CAQ! Je ne sais pas si le ministre Dubé lit Nous.blogue, mais il faut lui faire savoir par divers canaux que l’intervention de proximité en santé, la multidisciplinarité et la démocratie des usagers sont les pierres angulaires de la restauration à entreprendre. Merci pour cette stimulante réflexion!
    Solidairement

  3. Merci Alain, ton témoignage est très éloquent. Des cadres qui sont aussi des praticiens, des équipes qui participent aux décisions sur des compressions budgétaires sans qu’un grief syndical soit soulevé… j’ai peine à imaginer ! Disons que la culture syndicale dans mon CLSC était tout autre! Mais les expériences d’engagement dans la communauté et d’innovation sociale étaient quand même nombreuses. Les mesures de centralisation, de standardisation et de minutages des interventions qui ont été imposées depuis… longtemps ont peu à peu déconnecté les services des milieux de vie et des communautés. J’espère que les politiques auront le courage de changer les choses. Citoyens et professionnels peuvent encore innover, pour peu qu’on leur en donne la possibilité.