Depuis quelque temps, ce sujet m’ébranle… Comme femme, comme conjointe et comme mère surtout. L’univers parental est chargé à bloc, tout y est défini, les règles sont très claires. Si l’univers de la petite enfance est jonché de paramètres très serrés auxquels il faut se conformer sous peine d’élever un enfant complètement dysfonctionnel, l’univers de la maternité est, à mon avis, l’endroit où se déroulent les derniers combats entre hommes et femmes.
En fait, à ma grande surprise, il semblerait que le modèle « traditionnel » de maman à la maison avec les enfants soit encore celui qui est le plus valorisé. Pas par les intervenants de la santé, ni les pères ou mêmes les organisations, ni même les mamans. C’est comme si les tabous ont persisté. Une espèce de cercle vicieux alimenté par le regard de l’autre.
Le gars
À mon avis, le monde du travail n’y est pas étranger. Je serais curieuse de savoir combien d’hommes se sentent à l’aise d’informer leur patron qu’ils ont choisi de prendre un congé parental de quelques mois. Mon conjoint, par exemple, a pris un congé parental exclusif de 2 mois. Il m’a confié que si nous avions eu une fille plutôt qu’un garçon, il aurait vécu plus de jugements de la part de ses pairs. Comme si prendre un congé « avec son gars » avait plus de valeur… d’acceptation sociale. Travaillant dans un milieu typiquement masculin depuis longtemps, il a choisi d’assumer son choix. Ce n’est pas toujours possible. Au Québec, selon le dernier avis du Conseil du statut de la femme publié en avril 2015:
« En 2011, seuls 5% des pères ayant pris uniquement un congé de paternité l’ont fait complètement en l’absence de la mère, un chiffre qui augmente à 12% dans le cas des pères ayant opté pour un congé de paternité et un congé parental.1 »
Selon cet avis, seulement 36,5% des pères, dans un sondage effectué en 2015, disent avoir discuté du congé parental avec leur conjointe.
Oh là! Discuter? La jasette n’a pas eu lieu du tout?
Toujours dans cet avis, on apprend que selon une étude de cas en Norvège :
« …les pères ayant pris seuls avec leur enfant une portion du congé parental auraient développé un grand sentiment de compétence découlant de leur rôle de principal parent. »
Ce n’est pas rien, il me semble, comme projet de société, d’avoir 2 parents qui se sentent plus compétents, qui sont capables de s’assumer comme parents, comme équipe.
Je dis ça de même.
La fille
Ceux et celles qui me connaissent savent que mon travail m’allume au plus haut point. Je m’y réalise totalement. J’aime travailler avec les gens. Les projets collectifs me transportent et me donnent des ailes. J’adore me promener aux quatre coins du Québec.
Inutile de dire que le congé de maternité a été un peu long. Entre le cours d’aqua-poussette et le yoga postnatal, j’avoue que la stimulation créatrice et intellectuelle était plutôt nulle. Dans l’univers des mamans, ce n’est pas beau de dire ça. Pourtant, je sais que je ne suis pas seule à aimer mon garçon jusqu’à la moelle de mes os ET aimer travailler.
De récentes études nous apprennent que les enfants de mères qui travaillent ont des comportements plus égalitaires à l’âge adulte[i] et que leur moyenne scolaire est supérieure[ii].
Est-ce que mon fils sera un meilleur être humain que les enfants de ma voisine de mon cours de yoga qui, elle, a choisi de rester à la maison?
Non. Le meilleur modèle est celui qui nous convient. Point à la ligne.
À mon avis, il serait temps que l’on multiplie les modèles, que l’on se donne de l’air collectivement pour que les enfants puissent grandir pour être les gars et les filles qu’ils souhaitent devenir, sans avoir à subir de pression liée à leur sexe.
Qu’en dites-vous?
1 Pour un partage équitable du congé parental, Avis du Conseil du statut de la femme, Avril 2015.
[i] Egalité homme-femme: mieux vaut que maman travaille!, RFI, Juin 2015 – Selon une étude de Kathleen McGinn, Havard Business School.
[ii] Le travail des parents déteint sur les enfants, Article de MARIE-CLAUDE MALBOEUF, La Presse, 17 septembre 2011.