Le développement inégal : une perte pour la démocratie

J’habite au centre-ville de Montréal et j’ai pu abandonner mon automobile pour utiliser le transport en commun et l’auto-partage sans vraiment d’inconvénient dans mes déplacements, voire même un avantage santé car je marche davantage. Mais, pendant les Fêtes, j’ai voulu visiter des amis dans le Bas-St-Laurent. Surprise! La desserte d’autobus se limite aux centres régionaux plus importants mais n’arrête plus dans les villages. Quant à la desserte par trains, c’est encore plus rare.

Pourtant, le premier ministre Couillard se dit partisan de la décentralisation en région. Il prétend que son gouvernement ne coupe que dans les structures pour confier des responsabilités aux municipalités. Mais l’abolition des structures de concertation régionales se fait au profit d’une centralisation sous l’autorité directe des ministres, que ce soit en santé ou éventuellement en éducation avec le projet de fusion des commissions scolaires.

Contrairement à ce que prétend le gouvernement, on sait que les coupures touchent les services directs à la population. La coalition Touche pas à mes régions dit avoir dénombré une cinquantaine de mesures qui font particulièrement mal aux régions. Elle dénonce avec raison l’absence de vision du gouvernement en matière de développement régional et son refus d’un dialogue constructif avec les acteurs locaux.

Maintenant, j’apprends dans les médias que des projets d’habitation pour personnes âgées ou démunies sont sur la glace faute de fonds depuis les coupures dans le programme AccèsLogis. Selon le ministre responsable du dossier, Pierre Moreau1, les coupures se justifient parce que les projets de logement social prennent trop de temps à aboutir. La solution, à son avis : réduire de moitié le nombre d’unités financées qui sont passées de 3000 à 1500 (de $270 millions à $126 millions). Conséquence : en région éloignée, un nombre grandissant de projets sont paralysés.

De Grande-Vallée à Baie-Comeau, des projets d’habitation pour personnes âgées ou démunies sont sur la glace, faute de fonds2.

À l’aube d’un nouveau programme d’investissement dans les infrastructures, il faut s’interroger. Le gouvernement abandonne-t-il les régions? Il ne peut pas tout contrôler du centre. Il ne peut pas non plus compter uniquement sur le secteur privé. Celui-ci peut contribuer au développement régional mais il a ses limites. Il se concentre sur les secteurs rentables comme on le voit dans le transport ou le logement.

On ne peut ignorer les initiatives de mise en commun des ressources qui se sont développées en région pour répondre à de tels besoins essentiels pour tous, mais surtout pour les personnes moins fortunées. Ces dynamismes sont porteurs d’un développement durable; ils favorisent une adaptation aux réels besoins et une prise en charge collective. Pour réaliser de tels projets, des structures de concertation sont nécessaires pour regrouper les énergies et stimuler le dynamisme des acteurs locaux. Je ne vous apprends rien mais il faut insister sans cesse sur cette vision qui s’oppose à l’approche centralisatrice et au démantèlement du rôle social de l’État qui se cache derrière les mesures d’austérité. Notre vie démocratique en souffre également. Une véritable démocratie ne se limite pas au vote; sa vitalité découle de l’implication du plus grand nombre dans le développement solidaire de nos milieux.


1 Poste maintenant occupé par Martin Coiteux depuis le remaniement ministériel de la semaine dernière.

2 Le Devoir, 21 janvier 2016, Les projets en région paralysés faute de fonds,
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/460741/titre-logement-social-les-regions-paralysees

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